Private Tour Guide in Israel
Bible - History - Archaeology
+972 (0)52-6436124
Albert Tours
Guide Touristique Francophone en Israël
Bible - Histoire - Archéologie
+972 (0)52-6436124
Histoire des Benhamou
INTRODUCTION
En plus de mes activités de guide touristique en Israël, je m'intéresse à l'histoire biblique et juive, et à la généalogie familiale. Depuis le début des années 2000, la recherche génétique a beaucoup progressé. On a pu commencer l'étude des gènes et dresser une liste des milliers de ceux qui composent l'espèce humaine. Cette avancée a presqu'aussitôt été suivie par les études sur les différentes familles humaines, ses lieux d’origine et ses grandes migrations à travers les âges et les continents. Et, bien entendu, la généalogie familiale s'est vue doter d'un outil incontournable aujourd'hui pour la recherche de son ascendance.
Les tests ADN que j'ai faits il y a quelques années m'ont permis d'établir que ma lignée masculine, à savoir tous les hommes issus de mon grand-père Benhamou, et tous mes ancêtres masculins, ont un ADN du chromosome Y qui s'appelle Q1b1a1b ou YP745 selon une nomenclature plus récente. Ce groupe au sein de l'ensemble des ADN-Y de toute l'espèce humaine mâle serait apparu grâce à une mutation génétique intervenue il y a quelques 4000 ans, c'est-à-dire à l’époque de l’Abraham biblique. En général, toute l'espèce humaine ayant un chromosome ADN-Y du type Q a une origine asiatique, dont bien entendu la Mésopotamie d'où était parti l'ancêtre paternel des Hébreux comme on le sait.
D'où viennent les ancêtres de la lignée masculine des Benhamou? Dans quels contextes historique et juif ont-ils vécu? Comment retracer un possible parcours de ma famille à travers les âges? Voilà les questions que je me suis posées en faisant cette découverte sur mon chromosome paternel. Et j’ai ici tenté d'apporter des réponses qui intéresseront sans doute d'autres membres de la famille Benhamou à travers le monde, voire d'autres personnes qui ont une origine juive du Maghreb.
Voici les différentes étapes du parcours de mes ancêtres, telles que je les conçois dans l'état actuel de mes recherches personnelles. Vous pouvez cliquer sur le texte pour sauter au paragraphe correspondant.
- Lignées généalogiques masculines
- Histoire des Juifs d'Afrique du Nord
- Carthage
- Rome
- Vandales
- Vichy
- Debdou
- Marnia
Je souhaite bonne lecture à tous, et serais heureux de recevoir vos commentaires, corrections ou ajouts.
Albert Benhamou
Tel Aviv, Mai 2021
BIBLE ET DATATION
La recherche sur la génétique des peuples n'en est qu'à ses balbutiements. Mais un point important est d’ores et déjà acquis : toutes les lignées mâles convergent vers un seul homme, que les chercheurs ont évidemment appelé... "Adam". Cette découverte confirme le récit biblique qui explique que nous descendons tous d'un même homme. Cependant, il existe un problème apparent de datation. Car la Science explique que toute la race "humaine" a réellement débuté à partir de la migration des Homo Sapiens hors d'Afrique il y a quelques 120.000 ans. Et il y avait en outre d'autres espèces, notamment le Néandertal qui avait peuplé le continent européen avant l'arrivé de l'Homo Sapiens. Comment corréler ces 150.000 d'années avec les quelques 6000 ans que comptent la Bible? Cette question s'apparente à la question des "Six Jours de la Création" alors que la Science nous démontre que l'univers date de quelques 14 milliards d'années et le Système Solaire, dont la Terre elle-même, de quelques 4,5 milliards d'années.
En fait cette question n'a que peu d'importance pour un Juif qui croit en la Bible car celle-ci ne s'intéresse qu'à l'espèce humaine à partir de l'arrivée dudit Adam biblique. Le calendrier hébraïque date du jour de sa création, il y a 5781 ans (j'écris ceci en mai 2021). Tout ce qui se passe "avant" Adam tombe dans le panier des "Six Jours de la Création". Or, depuis la théorie de la Relativité, on sait que le Temps et l'Espace sont une et même chose. Or le temps biblique est compté à partir d'Adam: avant Adam, seul Dieu sert de référentiel. Et tant les prophètes bibliques que les Sages juifs ont déjà expliqué que, vu de Dieu, un jour peut valoir 1000 ans, c'est-à-dire n'importe quel temps humain. La Relativité dit la même chose: le temps dépend d'où on le mesure, de son référentiel, car il n'est pas absolu.
Et que dire du Big Bang? Un phénomène unique, à un instant unique, où l'univers entier continue d'être en expansion. La Science parle du Big Bang, sans en apporter une explication du pourquoi il est apparu, et la Bible par de la Création: même effet. Quid de la théorie de l'évolution de Darwin? Elle non plus n'est pas vraiment en contradiction avec la Bible: elle la répète... A savoir que la vie sur Terre a commencé avec les végétaux, puis les espèces qui ont peuplé les mers, puis les espèces qui ont peuplé les continents, etc. Même les continents sont partis d'un seul continent (principalement l'Afrique actuelle) et continuent à se séparer et à "dériver" depuis.
Bref, la Bible et la Science ne sont pas en contradiction, vu du prisme juif. Au contraire, l'une tend à prouver l'autre.
LIGNEES GENEALOGIQUES MASCULINES
Il y a une vingtaine d’années environ, les recherches génétiques ont déterminé que la population terrestre descend d'un seul et même homme, qu’elles ont naturellement nommé "Adam". Cette recherche a aussi permis de savoir que le chromosome Y du premier homme a subi plusieurs mutations génétiques au cours du temps. Ces mutations expliquent notamment certaines déformations de naissance, certaines maladies, etc. La Science ne permet pas d’expliquer pourquoi elles surviennent. Mais leurs apparitions nous permet de connaître de façon précise quelles mutations ont eu lieu depuis le chromosome originel Y d’Adam et de débuter des études de génétique "familiale" éventuellement. Ainsi des personnes à travers le monde se retrouvent comme partageant un ancêtre commun dans un temps plus ou moins éloigné dans le temps. Cette étude a aussi permis de classifier la population humaine en groupes génétiques distincts, selon les mutations successives recensées pour chaque groupe. Chaque être humain appartient à un seul groupe génétique, appelé haplogroupe, représenté par une lettre principale. Les haplogroupes issus d'Adam ne donnent pas une liste aussi gigantesque que celle à laquelle on aurait pu s’attendre. Le schéma ci-dessous les résume. Chaque "branchement" correspond à une mutation qui crée donc un autre groupe, ou sous-groupe.
LIGNEES GENEALOGIQUES JUIVES
-
Les Juifs sont peu nombreux sur la Terre, avec environ 0,1% de la population mondiale. Et pourtant leur généalogie intéresse les scientifiques car les Juifs ont eu très peu de mixage génétique depuis les temps reculés. L’haplogroupe le plus répandu chez les Juifs, tant ashkénazes que séfarades, est l'haplogroupe J (25-30% des Juifs ont ce groupe), que l'on retrouve aussi chez des Arméniens, des Arabes et des Kurdes. La plupart des non-Juifs ayant l’haplogroupe J sont cependant du type J2 plutôt que J1. Mais, concernant les Juifs ayant l’haplogroupe J, il y a quasiment autant de J1 que J2. Une branche particulière de l'haplogroupe J1 est le groupe génétique J1c3 car on a identifié que la plupart des Cohanim (la famille des "prêtres" du temps de service du Temple) sont de ce type-là.
-
Le second haplogroupe le plus fréquemment rencontré parmi les Juifs correspond au E (environ 20-25% des Juifs). On trouve ce même groupe génétique parmi des populations diversement répandues dans le pourtour méditerranéen : Berbères (ceux réellement d’origine berbère, et non les Arabes installés en Afrique du Nord depuis la conquête du 7è siècle qui ont généralement un autre haplogroupe), Albanais, Macédoniens, etc. Des hommes célèbres font partie de ce groupe, par exemple Napoléon mais aussi Hitler ! Donc ce groupe E est plutôt "méditerranéen". Ce n'est guère étonnant pour Napoléon mais que dire de l' "aryen" Hitler !! La généalogie moderne aurait mis à mal ses théories raciales... L'origine de ce groupe E serait les peuples cananéens (et donc aussi phéniciens car les Phéniciens étaient cananéens mais appelés "Phéniciens" par les Grecs)
-
Le troisième haplogroupe trouvé parmi les Juifs est l’haplogroupe G (environ 10% des Juifs) surtout parmi les Ashkénazes. C’est un haplogroupe que l’on trouve aussi en faible proportion en Asie et en Europe (essentiellement vers le Caucase). Il est vraisemblable qu’il soit entré dans la généalogie juive grâce à des conversions anciennes en Europe orientale.
-
Enfin on trouve l’haplogroupe Q qui correspond à environ 5% de la population juive mondiale. Cet haplogroupe Q comprend la vaste population asiatique et aussi l’ensemble de la population amérindienne qui a peuplé les Amériques en venant d’Asie (avant l’arrivée des Européens en 1492). Mais étrangement, on le trouve en proportion similaire, de l’ordre de 5% des Juifs, aussi bien parmi les Ashkénazes que parmi les Juifs du Maghreb. Et, parmi ces derniers, on le trouve plutôt chez les Juifs de type "mizrahim" (c'est-à-dire orientaux) que parmi les Juifs séfarades. En fait, les Juifs d'Afrique du Nord n'ont pas une origine homogène: les uns, d'haplogroupe Q, sont plutôt "orientaux" (asiatiques) alors que les autres, d'haplogoupes J voire E, sont "séfarades". J’ai personnellement tendance à croire que ces Juifs d’haplogroupe Q (asiatique) sont ceux issus originellement du patriarche Abraham, alors que les Juifs d'haplogroupes J, E et G (qui représentent au total presque 80% de la population juive mondiale) viendraient en fait de mixages avec d'autres peuples dans les derniers 4000 ans (les conversions n'étaient pas rares jusqu'à l'époque d'Esdras le Scribe au 4ème siècle avant JC, et étaient même mentionnées dans la Bible). Avec les époques ultérieures et les dispersions multiples, les conversions se sont poursuivies. On peut dire que les Juifs avec haplogroupe Q ont une origine ancienne, celle asiatique (mésopotamienne) des patriarches Hébreux.
-
Le cas des Khazars est intéressant: c'est un exemple de conversion d'un peuple du Caucase il y a environ 700 ans. Cette conversion a été voulue par leurs dirigeants mais il n'est pas certain que le commun des mortels l'ait adoptée dans les faits. Or on trouve des Juifs ashkénazes avec un haplogroupe particulier: le R1a1. C'est un haplogroupe "européen", comme tout le groupe R. De fait, aujourd’hui, le groupe R1a1 se trouve parmi environ 12% de la population ashkénaze, mais est quasiment inexistant chez les Juifs séfarades et orientaux. Quels Juifs ont donc ce groupe R1a1? La plupart des Lévi ashkénazes. Pour ma part, ceci montre que plusieurs Lévi ashkénazes ont pour origine la conversion des Khazars: la famille royale régnante s'était convertie et donc certains d'entres eux ont dû choisir d'assumer le rôle de "prêtres" et ont donc adopté le nom de Lévi (tribu des prêtres dans l'Ancien Israël). Ce royaume a été détruit et absorbé par des envahisseurs mais le nom Lévi avec haplogroupe européen R1a1 a perduré jusqu'à aujourd'hui. Une étude récente estime que le quart des Ashkénazes sont d'haplogroupes R1a, R1b et I, donc certainement issus de la conversion d’Européens, dont les Khazars bien entendu.
GENEALOGIE DES BENHAMOU
D'après mes propres tests, nous appartenons à un groupe qui a les liens suivants : L275, M378, Y2220 (équivalent à L245), YP745 (auparavant nommé Q-L245). Ce dernier groupe YP745 serait apparu lors d'une mutation ayant eu lieu il y a quelques 4000 ans, et on la retrouve parmi bon nombre de Juifs d'Afrique du Nord, en tout cas parmi ceux étant de descendance de type "mizrahi" c'est-à-dire orientale (qui est différente des Juifs d'Afrique du Nord descendants des Juifs séfarades). Les Juifs ashkénazes d'Europe ont essentiellement une autre mutation que celle de YP245: ils ont Y2209, puis un sous-groupe Y2200. Pour en revenir au groupe YP245, il y a ensuite d'autres sous-groupes. Ceux concernant mon côté Benhamou sont: YP245 puis YP1095, puis YP1236(c'est mon cas), voire YP1237. Bref, l'étude génétique permet d'affiner de plus en plus le groupe auquel on appartient et donc de serrer au mieux l'origine de notre ancêtre Benhamou. Ce qui est désormais très clair c'est que les Benhamou ont eu une origine de l'Asie occidentale, c'est-à-dire orientale ou mésopotamienne. Et que l'ancêtre Benhamou s'est établi en Afrique du Nord il y a environ 3000 ans...
J'encourage les personnes affiliées à une ascendance paternelle ou ayant un patronyme de type Benhamou (ou Benamou et autres variants) à faire un test ADN-Y et de me contacter pour comparer et expliquer les résultats. Car seul un partage des données génétiques permettra d'en savoir plus sur l'origine de nos ancêtres Benhamou jusqu'à, peut-être, pouvoir remonter à l'ancêtre paternel.
La suite de cet exposé permet de faire un rappel sur l'histoire juive, qui n'est pas forcément connue de tous, et particulière à la généalogie Benhamou qui nous intéresse. Ceci reste bien entendu à l'état d'hypothèses de ma part.
CONTEXTE BIBLIQUE (1250-1000 avant JC)
Les tribus d’Israël ont pénétré en Terre Promise, après 40 ans de pérégrinations dans le désert suite à la Sortie d’Égypte. A alors commencé la reconquête de Canaan vers 1250 avant JC sous l’impulsion du prophète Josué. Après les premiers succès, il attribua à chacune des 12 tribus un territoire. Qu'a fait Josué? Le Deutéronome Rabba (texte compilé vers l'an 900, selon une tradition orale ancienne), paragraphe V:14, explique: Il a fait paraître un édit partout où il commençait sa conquête dans lequel il était écrit, "Qui veut partir, nous le laisserons partir, et Qui désire la paix, nous lui ferons la paix, et Qui désire la guerre, nous lui ferons la guerre". Qu’a fait le Ghirgachéen ? Il est parti de devant eux. Et Dieu lui a donné un autre pays, aussi beau que le sien, à savoir Ifriqiya (l’Afrique du Nord). Ceci est repris dans le Lévitique Rabba XVII:6 (texte plus ancien car compilé vers 400-500). Donc selon ces textes, seul le peuple cananéen des Guirgachéens aurait préféré émigrer. Il aurait donné racine au peuple berbère que l'on trouve en Afrique du Nord, qui est différent (génétiquement, ils appartiennent plutôt à l'haplogroupe E) et des Arabes conquérants du 7è siècle et des Juifs arrivés après eux (haplogroupe Q notamment, comme les Benhamou). Ce détail a été exprimé la première fois dans le Talmud, traité Sanhédrin, page 94a: Et où les a-t'il expulsés? Mar Zoutra a dit: en Afrique.
Ainsi l'outil génétique a permis de répondre à la question que l'on se posait depuis le 19ème siècle: les Juifs "berbérisés" d'Afrique du Nord sont-ils issus de Berbères qui se seraient judaïsés ou ont-ils une souche juive ancestrale? Or on voit à présent que Berbères et Juifs, bien qu'ils aient des modes de vie semblables, ont des généalogies différentes. La question est désormais résolue: dans sa grande majorité (car des exceptions existent toujours), les Juifs d'Afrique du Nord d'origine autochtone (de moeurs berbères ou arabes) sont bien d'origine juive, remontant à l'époque biblique lorsque le brassage de peuples n'avaient pas encore été prépondérant.
Après la conquête de Canaan, il y a eu la période des Juges (relatée dans les livres bibliques Josué, Juges, Samuel). Et après elle, à partir de 1000 avant JC environ, il y a eu la période de la Monarchie Unifiée avec Saül (règne de 2 ans), David (règne de 33 ans sur tout Israël) et enfin son fils Salomon. Lors de son règne, vers 1000-950 avant JC, la paix régnait dans le monde antique et le commerce florissait. Les Phéniciens (le Liban actuel) étaient de bons voisins qui étaient passés maîtres depuis l’an 1000 avant JC environ dans le commerce maritime. Leurs navires ont emporté des voyageurs de commerce, notamment des Juifs, leurs voisins directs, qui se sont installés dans les comptoirs phéniciens. La Bible mentionne d'ailleurs ce point: le roi Salomon était allié avec le roi Hiram de Tyr (phénicien), qui était d'ailleurs juif par sa mère de la tribu de Naphatli (I Rois 7:14). Et les deux rois faisaient commerce ensemble: Hiram s'occupait d'acheminer par voie de mer les serviteurs de Salomon qui allaient rechercher toutes sortes de denrées à partir des comptoirs maritimes phéniciens de la Méditerranée et aussi de la Mer Rouge, pour atteindre les côtes africaines. Le roi Salomon fit aussi construire une flotte à Ecion-Ghéber, qui est près d'Elot [la ville d'Eilat actuelle], au bord de la mer de Souf [la Mer Rouge], dans le pays d'Edom. Hiram envoya sur ces vaisseaux ses serviteurs, matelots experts dans la marine, pour aider les serviteurs de Salomon. (I Rois 9:26-27)
Et plus spécifiquement concernant l'Afrique du Nord, un texte souligne des mets rares qui se trouvaient à la table de Salomon: L'entretien de Salomon exigeait chaque jour: [...] volailles grasses (I Rois 5:3). Quelles étaient ces "volailles grasses"? Le texte en hébreu est énigmatique car il dit: barbourim aboussim (וּבַרְבֻּרִים אֲבוּסִים). Et, selon un commentaire de ce texte biblique: que sont-ils? Les Sages ont dit, une espèce de volailles de Barbarie. R. Berahiah a dit au nom de R. Judah: c'est une volaille rare et précieuse qui était fournie à sa table de façon journalière. D'où venait-elle? Elle venait tous les jours de Barbarie. (Kohélet Rabba 5:1). La Barbarie est la Berbérie romaine, à savoir le Maghreb. Bien entendu, à l'époque de Salomon, la contrée s'appelait l'Occident (donnant Maghreb) et non Berbérie. Ces textes sont importants car il prouve la présence israélite en Afrique du Nord déjà du temps de Salomon.
Donc, comme la génétique Benhamou montre qu'un ancêtre serait arrivé en Afrique du Nord il y a 3000 ans environ, cela ne fait guère de doute que ce fut dans le contexte de ce commerce maritime: les Phéniciens étaient le transport, et les Israélites étaient les colons et commerçants établis dans les comptoirs maritimes. Parmi les deux tribus israélites qui pourraient être "candidates" à la généalogie des Benhamou, je pense à celle de Naphtali, car la mère de Hiram était de cette tribu ce qui a dû tisser des liens avec les gens de Tyr. D'ailleurs l'aspect entrepreneur et aventurier de la tribu de Naphtali est reflétée dans la bénédiction que donna Jacob à leur ancêtre: Naphtali est une biche qui s’élance, et qui apporte d’heureux messages. (Genèse 49:21). L'autre possibilité de l'ancêtre Benhamou serait éventuellement à la tribu d'Asher, qui était localisé sur la côte méditerranéenne au sud de la Phénicie: il était connu dans les sources juives que la tribu Asher s'était enrichie du commerce maritime justement (son nom a d'ailleurs pour racine le mot hébreu ashir qui veut dire riche).
L'ancêtre des Benhamou se serait donc installé en Afrique du Nord à l'époque de la royauté de Salomon. Quel était le comptoir phénicien qui deviendra plus tard une grande cité? Carthage. Ses ruines sont situées près de Tunis. Pourquoi le choix de cette localisation? Car, comme on l'a vu, des Cananéens (Guirgachéens) étaient déjà installés en Afrique du Nord, mais vraisemblablement à l'est de la Tunisie actuelle, donc plutôt sur la côte lybienne. En s'installant à ce qui allait devenir Carthage, les marins phéniciens évitaient ainsi tout conflit. Et les commerçants israélites explorèrent alors toutes les contrées à "l'ouest" de Carthage, ce qui a donné naissance au nom Maghreb qui a d'ailleurs une origine ancienne, bien antérieure à la conquête arabe. En effet, Hérodote (vers 500 avant JC) avait nommé Maxues les peuples qui vivaient là à son époque et précisa qu’eux-mêmes se donnaient ce nom. Ce nom forme la racine d’un terme de langue berbère actuel: le mot Imazighen (le préfixe –i avec le suffixe -en désigne le pluriel dans cette langue). Puis les Grecs ont déformé ce mot Maxues en appelant ce peuple les Maurosioi. Ensuite les Romains ont copié les Grecs mais en simplifiant le nom en Mauri. Ces noms ont ensuite donné Maures et Maghreb. L’origine de ces mots provient de l'hébreu maarav qui veut dire ouest. Ce sont les Israélites qui ont peuplé en premier cette contrée à l’ouest de Carthage, c’est-à-dire le Maghreb actuel. Bien plus tard, le Maghreb a été appelé Djazirat-el-Maghreb, à savoir "l’île du Couchant" (car le soleil se couche à l'ouest).
CARTHAGE (1000-200 avant JC)
Pendant que les empires assyriens, babyloniens et macédoniens se sont succédé pour contrôler le monde antique du Croissant Fertile, la région d’Afrique de Nord continua à se développer et se peupler assez paisiblement. Le comptoir phénicien, originellement fondé vers 1000 avant JC, fut nommé Carthage vers 800 avant JC, lorsque phéniciens et israélites vinrent y trouver refuge lors des invasions assyriennes notamment. Le nom Carthage provient du phénicien Qarat Hadash, similaire à l’hébreu Kiryat Hadash, qui veut dire Ville Nouvelle. Quand on parle de Carthage, on n'emploie plus le mot phénicien mais plutôt le mot punique, qui a été le dialecte de cette région et issu du phénicien. A l’est de Carthage, dans ce qui est à présent la Lybie, les peuples d’origine cananéenne y prospérèrent. Mais à l’ouest de Carthage, ce furent les israélites descendants des premiers colons du temps de Salomon et des réfugiés ayant fui les invasions de leur nation vers 800-700 avant JC.
Mais de l’autre côté de la mer, un autre état commençait à prendre de l’ampleur et visait la domination de ce côté-ci de la Méditerranée avant de s’en prendre à l’ensemble du monde antique : Rome. Après avoir détruit l’antique civilisation étrusque, avec laquelle Carthage avait maintenu de bons rapports, et avoir pris le contrôle de l’ensemble de la péninsule italienne, le Sénat romain décida de se tourner sur Carthage. Il s’agissait de prendre le contrôle maritime et bénéficier du commerce sur cette partie de la Méditerranée occidentale.
La guerre entre Rome et Carthage débuta en l’an 264 avant JC, sous le prétexte de posséder la Sicile. Cette guerre, que l’on appelle la première guerre punique, ne dura pas moins que 23 ans. Elle se solda par la défaite de Carthage en 241 avant JC qui dut alors payer un lourd tribut à Rome. Pour compenser ses pertes de ce côté-là de la mer, Carthage intensifia la colonisation de l’autre côté, à savoir la péninsule ibérique. Mais ceci porta de nouveau ombrage aux intérêts de Rome qui, cette fois, décidèrent que la seconde guerre punique devait se poursuivre jusqu’à la destruction de Carthage. Mais ils eurent maille à partir à cause du génie du général carthaginois Hannibal qui marcha contre Rome et traversa toute la péninsule italienne avec ses éléphants. Celui-ci est considéré comme un des plus grands stratèges militaires de tous les temps. Mais la seconde guerre punique, débutée en 218 avant JC et malgré les succès carthaginois initiaux, finit par tourner au bénéfice de Rome. Le sort de Carthage fut scellé par une trahison en 206 avant JC. En effet, un des princes de la région lybienne actuelle, donc berbère, Massinissa, changea d’alliance, et prit le parti de Rome en échange de futures concessions. C'est sa cavalerie berbère qui contribua grandement à la victoire du général romain, Scipion l’Africain, lors de la bataille finale de Zama en 202 avant JC. La belle Carthage fut détruite en 201 avant JC et ne pourra jamais renaître de ses cendres. Hannibal, quant à lui, après le traité de paix avec Rome, poursuivit une carrière politique dans sa contrée d’origine en Afrique du Nord, et devint shofet (c'est-à-dire juge, en punique et en hébreu). Mais gêné par son prestige, Rome l'exila à Tyr en 195 avant JC.
ROME (200 avant JC - 395)
Rome s’acquitta de sa dette envers Massinissa en l’élevant au titre de roi de Numidie, à la fois vassal et protégé de Rome. Il établit sa capitale dans une ville appelée Cirta, qui deviendra plus tard la ville de Constantine, du nom de l’empereur romain qui la fit reconstruire. La région était très riche et était connu comme le grenier de Rome car on y faisait pousser des céréales sur toutes les plaines côtières. L'arrière-pays, lui, montagneux, était resté incertain et les Romains ne s'y engageaient guère. Mais cette richesse finit par causer la convoitise de Rome contre ses vassaux locaux. L’empereur Caligula ordonna le meurtre de son vassal alors qu’il se trouvait en visite officielle à Rome en l’an 40. Cet assassinat déclencha une révolte berbère en Afrique du Nord que Rome mit 4 ans à mater, à la suite de quoi Rome décida d’annexer toute la contrée et d’y former deux provinces romaines à la place: Numidie et Mauritanie. Dès lors, tout est romain dans cette partie de l’Afrique méditerranéenne, depuis la Judée soumise jusqu’au-delà du détroit de Gibraltar vers le désert. Mais l’annexion de l’ancien royaume de Numidie, l’allié de longtemps, ne se traduisit pas par une occupation paisible car les Romains ne contrôlaient que la partie côtière et ne purent assujettir les régions montagneuses de l’Atlas, sachant ce qui pouvait leur en coûter. C’est dans ces régions montagneuses et escarpées que les tribus judéo-berbères, dont celle des Benhamou, avaient trouvé refuge contre l’envahisseur.
De l'autre côté de la Méditerranée, la Judée était déjà devenue province romaine en l'an 6, quelques années après la mort du roi Hérode le Grand, allié de Rome. Mais en l'an 66, la révolte éclate: Jérusalem et son temple sont détruits, et le dernier bastion de résistance juive contre Rome, le palais-forteresse de Massada, tombe en 73. Les Juifs sont expulsés de Judée (ils peuplent alors la Galilée et le Golan). Après la fin de la dynastie flavienne, qui avait imposé un lourd tribut aux Juifs (une taxe spéciale à leur encontre), un groupe de rabbins se rend à Rome auprès de l'empereur Nerva, plus favorable à un accommodement. Lors de leur voyage de retour, les rabbins font escale en Afrique du Nord romaine car il est écrit : Rabi Yehouda a dit au nom de Rab que, entre Tyr et Carthage, les nations reconnaissaient Israël et le Père qui est aux cieux, mais depuis Tyr vers l’ouest et depuis Carthage vers l’est, les nations ne reconnaissent ni Israël ni le Père qui est aux cieux. (Talmud, traité Ménachot 110a). Ce texte est trouble si on lit le nom Tsour (dans le texte du Talmud) en Tyr car il n’y a rien d’autre à l’ouest de Tyr que la mer ! De plus, les deux assertions se contredisent si on considère Tsour le port phénicien de Tyr car les deux régions décrites seraient la même: à l'ouest de Tyr et à l'est de Carthage. L’explication est autre: il y avait une colonie romaine du nom de Syrorum, qui s’était établie sur le lieu même de la colonie phénicienne de Syr, nommée ainsi d’après la ville de Tyr en Phénicie : une "Nouvelle Tyr" en quelque sorte comme il y a une Nouvelle Orléans, une Nouvelle York (New York), et Carthage (Ville Nouvelle). Le texte du Talmud a alors un sens car il précise que de Syr à Carthage, donc la région à l'ouest de Carthage (cad le Maghreb), la contrée était (au 1er siècle) peuplée de Juifs alors qu’à l’est de Carthage (la Lybie actuelle et l'Egypte), ce n’était pas le cas. Cette Tyr/Syr d’Afrique du Nord est la ville de Maghnia actuelle, située près en Algérie occidentale près de la frontière marocaine. Ce texte talmudique est très important à mes yeux car il prouve que les Juifs étaient installés dans cette partie du Maghreb bien avant la chute du Second Temple et l'exode causé par Rome.
LE CHRISTIANISME (395-630)
Après des débuts difficiles, la religion chrétienne commença à s’étendre à travers l’empire romain surtout grâce aux efforts de Paul de Tarse. Les persécutions n’étaient pas aussi fréquentes et constantes que l’Histoire l’a fait croire. Elles concernèrent quelques périodes pendant quelques empereurs. La religion fut autorisée par Constantin en 313 (édit de Milan), et adoptée comme religion d'état par Théodose en 395. Dès lors, la religion juive fut perçue comme la religion ennemie du Christianisme avec l'accusation de déicide: on ne pouvait plus officiellement accuser les Romains, rangés à la nouvelle foi, d'avoir été coupables de la crucifixion: il fallait un autre bouc émissaire !
En Afrique du Nord, les sectes chrétiennes firent leur apparition vers le 2è siècle mais se limitèrent aux villes romaines. Aucune armée ne s’aventurait dans l’arrière-pays qui est formé de massifs montagneux et de gorges, donc autant de pièges possibles pour quiconque voudrait y pénétrer. De fait, les tribus, autant juives que berbères, ne furent point menacées pendant l’occupation romaine des zones côtières. Certains offrirent même leurs services d'auxiliaires à cette armée, comme mercenaires. Cet état de choses perdura jusqu’à l’invasion islamique, après l’année 630.
A l'époque romaine, le village de Maghnia d'aujourd'hui s'appelait Syrorum (venant du nom d'un village phénicien Syr/Sour) et la future ville de Tlemcen s'appelait Pomaria (qui voulait dire: ville aux vergers). Il s’agissait plutôt de campements et de corps auxiliaires de l’armée romaine que de villages ou de villes. Les Berbères nommaient les Romains les Romi’en. Et quand le Christianisme était devenu officiel dans l'empire romain, le terme fut depuis utilisé par les judéo-berbères pour désigner tous les Chrétiens comme Romi’en. L'autre appellation courante étaient de les appeler les N’sara, d’après le nom antique de Nazoréens qu’ils s’étaient donné eux-mêmes en terre sainte avant que les Grecs ne les désignent comme Christos, d'où le terme de Chrétien.
LES VANDALES (429-533)
L’empire romain d’occident fut progressivement anéanti par les invasions barbares venues du centre de l’Europe. Un de ces peuples, les Vandales, était arrivé en Espagne. Cette contrée avait été préalablement romaine après la chute de Carthage, mais fut conquise par les Wisigoths et les Suèves. Les Vandales, sous le commandement de leur roi Genséric, traversèrent la péninsule ibérique et passèrent le détroit de Gibraltar en 429. Ils tombèrent alors sur l’Afrique du Nord encore romaine, et ce fut une succession de destructions, de pillages, de viols, et ainsi de suite. Les Vandales débarquèrent du côté d’Oran et se dirigèrent aussitôt vers l’Est, là où se trouvaient les grandes villes chrétiennes, dans la région de Carthage. Ce choix épargna pour un temps les tribus juives et berbères établies dans les montagnes de l’Atlas. Carthage et toute la région tomba aux mains des Vandales entre 430 et 440.
Les Vandales régnèrent sur l’Afrique du Nord pendant 100 ans environ. C’est à leur époque que le nomadisme berbère s’accrut, pour échapper aux massacres. L’usage du chameau, nouveau dans la région, permit à des familles de s’exiler dans le désert, là où les cavaliers vandales ne pouvaient les poursuivre à cheval. Procope, un historien byzantin, raconta qu’une tribu de ces nomades avait utilisé les chameaux contre les cavaliers vandales qui furent effrayés par cet animal inconnu. Or le chef de cette résistance réussie contre les Vandales était, selon Procope, un certain Gabaon... Un nom israélite par excellence !
Dans ces régions montagneuses et reculées aux portes du Sahara, les Vandales (comme les Romains avant eux) ne purent subjuguer les tribus nomades. Au fur et à mesure, les Berbères nomadisés subirent l’influence des Juifs nomadisés. Au point que de nombreux Berbères, initialement d’origine cananéenne et païenne, se judaïsèrent par ce contact culturel qui n’avait presque jamais eu lieu auparavant dans le Maghreb à l'ouest de Carthage. C'est pendant cette ère des Vandales que l’assimilation des Berbères aux Judaïsme fut la plus forte. Plus tard, ces mêmes tribus berbères judaïsées se convertiront à l'Islam.
Puis Genséric et ses Vandales traversèrent encore la Méditerranée et firent le sac de Rome en 455. Ils y pillèrent les trésors du Vatican et revinrent en Afrique du Nord. Selon une tradition, ils auraient ainsi emporté dans leur butin la grande Ménorah prise par Titus dans le Temple de Jérusalem en l'an 70 et qui se trouvait depuis parmi les trophées de Rome.
LES BYZANTINS (533-665)
Après la mort de Genséric, ses successeurs ne surent redonner à leur peuple la fougue du temps de leurs conquêtes. Les Vandales se ramollirent progressivement sous le doux climat de l’Afrique du Nord et leur règne se termina en 533 lors d'une expédition militaire chrétienne menée par le général byzantin Bélisaire. L’historien Procope, originaire de Césarée en Judée, participa à cette reconquête et a laissé son témoignage. Un des administrateurs ayant accompagné Bélisaire s’appelait Salomon, un Juif oriental : il fut placé en charge de la Lybie. Quant aux trésors du Temple de Jérusalem, Bélisaire les emporta de Carthage et les expédia à Byzance (Constantinople ou Istanbul d'aujourd'hui). Là, selon Procope, un autre Juif conseilla à l’empereur Justinien de ne pas les conserver auprès de lui comme trésors, autrement son empire subirait les mêmes malheurs qui étaient tombés sur les Romains et les Vandales qui s'en étaient précédemment emparés. L’empereur fit aussitôt renvoyer ces trésors en Judée, en l’an 533. Quel périple pour ces trésors du Temple : Jérusalem, Rome, Carthage, Byzance puis retour à Jérusalem après 544 ans ! Ils furent mis sous la garde de l’église de Jérusalem et on en perd ensuite la trace au moment de la campagne des Perses contre les Byzantins de Judée en 614 : a priori ils seraient encore enfouis quelque part sous Jérusalem. Justinien, un nom qui se traduit par Tzadik ou Sadoq en hébreu (c'est-à-dire le Juste), était originaire de Macédoine, une région où de nombreux Juifs s’étaient établis avant l’ère chrétienne, du temps de l’empire grec. Le père de Justinien s’appelait… Shabbat. Grâce à Justinien, le Christianisme fut rétabli en Afrique du Nord, du moins dans la partie "civilisée" à savoir la zone côtière et les métropoles. Le reste de la contrée montagneuse et sauvage, peuplée de tribus juives et berbères judaïsées, étaient laissé de côté par les nouveaux maîtres, comme par ceux qui les avaient précédés.
Pendant ce temps, dans la péninsule ibérique, le roi wisigoth Reccared se convertit au Christianisme (peut-être pour éviter l'invasion de son royaume par les Byzantins déjà à ses portes) en acceptant les accords du Concile de Tolède de 589. Du coup commencent des persécutions envers les Juifs de l'Espagne wisigothe et des conversions forcées. Certains historiens ont affirmé que les Juifs qui se refusaient à ces conversions s'enfuirent au Maghreb. Mais ceci est douteux car le Maghreb était alors déjà byzantin, ce qui impliquait des persécutions similaires. Ces premiers Juifs d'Espagne, qui avaient vécu dans la péninsule depuis le temps des Romains (près de 700 ans) durent émigrer vers le Nord, dans ce qui est aujourd'hui le Languedoc et le Roussilon, où ils s'établirent dans des villes comme Narbonne et Carcassonne.
LES ARABES (665-1517)
Après avoir conquis la Terre Sainte, et tout le bassin mésopotamien, les nouveaux envahisseurs arrivèrent aux portes de l’Afrique du Nord et prirent Carthage en 665. C’est alors que survint une armée berbère venue des montagnes et dirigée par une femme : la Kahina. Elle était d’origine juive, ou berbère judaïsée. Elle repoussa les envahisseurs et reprit la ville de Carthage. Les Arabes retournèrent dans leur base arrière, en Égypte, et y restèrent jusqu’en 702. Une nouvelle armée d'invasion fut alors plus chanceuse et, cette fois, la Kahina fut battue et tuée sur le champ de bataille. Les Byzantins d’Afrique du Nord perdirent ainsi leur indépendance et furent contraints d’épouser l’Islam, faute de quoi ils étaient mis à mort. Les judéo-berbères, vaincus dans les batailles de plaine, s’en retournèrent dans leurs montagnes sans que les Arabes ne cherchèrent à les en déloger. Ils purent conserver leur religion judaïque. Ibn-Khaldoun, grand historien arabe du 14è siècle, témoigna du prosélytisme juif parmi les tribus nomades avant l'arrivée de l'Islam : Une partie des Berbères professait le judaïsme, religion qu’ils avaient reçue de leurs puissants voisins, les Israélites de Syrie (sic. Judée/Palestine). Parmi les Berbères juifs, on distinguait les Djeraoua, tribu qui habitait l’Aurès et à laquelle appartenait la Kahina, femme qui fut tuée par les Arabes à l’époque des premières invasions. Les autres tribus juives étaient les Nefouça, Berbères de l’Ifrikiya (= Afrique du Nord), les Fendelaoua, les Mediouna, les Behloula, les Ghiatha et les Fazaz, Berbères du Maghreb-el-Acsa. (Ibn-Khaldoun, Histoire des Berbères, traduction de Slane, Tome 1, pp. 208-209)
Le nom Djeraoua est une déformation arabisée du nom Guera qui en hébreu (גרה) signifie combat ; ce mot a été adopté en Latin sous la forme werra (alors que le mot latin bellum pour dire guerre voulait originellement dire duel) qui a donné war en anglais et guerre en français.
L’historien précisa ensuite que le conquérant arabe, Idris, mit fin à l’indépendance de ces tribus judéo-berbères : elles furent forcées de choisir entre la mise à mort ou la conversion à l’Islam. On trouve alors, par exemple, un Juif converti à l'Islam, Habou Hammou II, qui fut roi de Tlemcen jusqu’en 1389.
Cependant l’historien arabe ne savait pas tout, à savoir que d’autres tribus judéo-berbères étaient réfugiées dans les confins montagneux du Maghreb, voire aux portes du Sahara, et échappèrent à la domination arabe tout en conservant leur judaïcité : les ancêtres Benhamou ont font évidemment partie puisqu'ils ont gardé leur judaïcité de tous temps. Il y a eu ensuite, durant les siècles de l'islamisation, des Benhamou qui ont adopté la nouvelle religion conquérante et on trouve aujourd'hui des Benhamou, avec des variants d'orthographe (Béni Hammou et autres), qui sont musulmans. Mais, a priori, un bon 95% des gens de patronyme Benhamou sont juifs.
L'INQUISITION
Dès 1391, les Juifs de l’Espagne catholique durent subir une première expulsion : nombre d’entre eux vinrent en Afrique du Nord et s’installèrent dans les villes des côtes et des plaines, notamment dans la région d’Oran. Puis, en 1492, les "rois catholiques" Ferdinand et Isabelle réussirent à renvoyer les Arabes de l’autre côté de la mer. Souhaitant remercier le Seigneur de cette victoire, ils voulurent purger leur royaume de toute déviance religieuse et convoquèrent les agents de l’Inquisition pour convertir leurs sujets par la force. Or les Juifs étaient fort nombreux dans l’Espagne maure qui venait d'être reconquise. Ceux qui acceptèrent de se convertir sont connus sous le nom de Marranes, et continuèrent à pratiquer la religion juive secrètement pendant un certain temps jusqu'à ce que l'Inquisition les rattrapent... Un nombre d’entre eux s’exilèrent dans les îles Baléares, moins exposés aux poursuites et aux dénonciations. Et d'autres préfèrèrent quitter l’Espagne. Certains se rendirent dans l'empire ottoman avec les navires envoyés par le sultan Sélim I, et s'installèrent notamment à Salonique, avant d'être plus tard autorisés à s'installer en Terre Sainte (dans 4 villes permises: Jérusalem, Hébron, Tibériade et Safed). Certains passèrent au Portugal mais, l'inquisition les rattrapant là-bas aussi, ils passèrent ensuite dans les états tolérants de l’Europe du Nord (Hollande notamment) et se mêlèrent aux Juifs ashkénazes déjà sur place. Et d'autres Juifs espagnols se réfugièrent en Afrique du Nord en suivant leurs anciens maîtres. Notamment, en 1492, 25 navires ont quitté le port de Cadix pour les amener à Oran. L'inquisition causa ainsi l'arrivée d'une vague de Juifs espagnols au Maghreb : ce sont les Séfarades. Ils restèrent principalement au sein des villes musulmanes dans les plaines côtières, sans se mêler beaucoup avec les Juifs autochtones (les "Mizrahim") qui vivaient plutôt dans les lieux reculés en bon voisinage avec les Berbères.
Ces familles séfarades empruntèrent des noms qui leur rappelaient leur lieu d'origine: par exemple, ceux originaires de Murcia en Espagne s’appelaient Marciano, et ceux de Tolède adoptèrent le nom Tolédano. D'autres noms ont aussi emprunté à des références israélites mais en langue espagnole. Par exemple Chicheportiche, vient de l’espagnol seis puertas qui veut dire six portes, en référence aux portes de la ville de Jérusalem du temps du Second Temple. Pareillement, le nom Partouche vient du même mot espagnol puertas qui signifie portes. Ces Séfarades ont le même profil génétique que les Ashkénazes, à savoir leur haplogroupe paternel est J pour la plupart d’entre eux, bien différent de l’haplogroupe Q asiatique qui caractérise les Mizrahim comme les Benhamou. Génétiquement parlant, les Séfarades d’Afrique du Nord sont plus proches des Ashkénazes d’Europe que des Mizrahim d'Afrique du Nord. Cela se comprend car les Ashkenazes comme les Séfarades sont arrivés en Europe à travers l'empire romain, notamment après les expulsions de Judée en 70 et en 130. Les Juifs ashkenazes descendent des Juifs établis dans le nord de l'empire romain (Gaule romaine puis vallée du Rhin) alors que les Juifs séfarades descendent des Juifs établis dans la péninsule ibérique romaine avant qu'elle ne soit conquise par les Barbares puis par les Musulmans. Entretemps, nouvelle inquiétude pour les Juifs: l'Espagne catholique se saisit de villes portuaires dont Alger et Oran vers 1510.
L'EMPIRE OTTOMAN (1516-1830)
C’est à partir du 14ème siècle que les Turcs ottomans commencèrent à se rendre progressivement maître du Maghreb, en commençant par les régions à l'est. Les Espagnols furent chassés d'Alger en 1516 par un célèbre corsaire, Baba Aroudj dit Barberousse, accompagné de son frère Haeïr ed-Din. Ensuite, ils voulurent prendre Tlemcen vers 1518 mais ils y rencontrèrent la résistance de son alliée Debdou et de son roi Abou Hammou III: Debdou avait été fondée par une famille Cohen de Séville après les massacres de 1391 dans plusieurs villes d'Espagne (près de 100 ans avant l'expulsion générale). Leur chef de famille était un certain David "Dou" HaCohen qui a donné son nom à Debdou (David = Daoud en arabe, d'où Debdou). Plus tard; Debdou a été attachée à un royaume tenu par des Benhamou convertis à l'Islam et qui avaient aussi régné sur Tlemcen. Barberousse prit la fuite après sa défaite mais fut capturé par des tribus judéo-berbères soulevées contre le corsaire. On sait qu'il est mort dans cette région de Tlemcen et il y existe un endroit qu’on dit être le lieu de sa sépulture. Tlemcen et sa région ne furent soumises par les Turcs qu'en 1555, soir près de 30 ans après leur arrivée à Alger. Même scénario qu'avec se répètera pour les Français...
Les Turcs se comportèrent très durement envers la population civile et leur joug laissa longtemps un goût amer. Une partie de la population des villes émigra, d’autant que les Turcs déplacèrent aussi le rôle et l’importance des villes. Par exemple, c’est à cette période que la ville d’Oran, de moindre importance que celle de Tlemcen avant les Turcs, fut désignée par eux pour abriter le nouveau pouvoir régional, ce qui perdura depuis lors. En effet, Tlemcen avait été capitale royale plusieurs fois dans son histoire, et même celle où le dernier roi maure de Grenade a jugé bon de s’installer après 1492 et d’y mourir, a ainsi changé de statut depuis les Turcs. Cette présence ottomane perdurera jusqu’à l'arrivée des Français à partir de 1830.
Concernant la ville de Debdou, dans les montagnes de l'Atlas côté marocain, elle avait été créée vers 1415 par des Benhamou islamisés. C'est encore connu de nos jours alors que peu de Juifs y résident à présent. En 1888, le vicomte Charles de Foucault notait dans un ouvrage que Debdou était la seule ville du Maroc où la population juive dépassait celle des musulmans (Livre "Reconnaissance au Maroc"). L’auteur, qui séjourna à Debdou entre 1888 et 1889, où il apprit l’hébreu et l’arabe, précisa que la famille Ouled Ben Hammou (ce qui signifie "les enfants" ou dynastie de Ben Hammou) était un groupe composé d’environ 20 chefs de famille mené par un certain Aron di Chmouil ben Hammou (prénom d'origine juive: Aaron de Samuel).
LA COLONISATION FRANCAISE (1830-1962)
Prétextant une insulte du Bey d’Alger envers son ambassadeur, le roi Charles X envoya une force armée qui débarqua sur la côte africaine en 1830 et s’empara d’Alger. Grâce à leur expérience militaire, les Français purent conquérir l’Algérie rapidement, et l’ont annexée à la France en 1834. Mais l’Algérie avait-elle été toute conquise ? Non, une poche résista toujours : les tribus berbères établies dans l’ouest algérien et particulièrement dans les hauteurs de l’Atlas. La guerre se poursuivit pendant de longues années, sans que les Français ne réussissent à subjuguer ces tribus. Avec le Maroc frontalier à l'ouest, un compromis fut trouver pour fixer la frontière avec le traité de Lalla-Maghnia de 1845 (dans la ville de Maghnia actuelle). Ce traité permit à la France de compter sur le Maroc pour ne pas servir d'asile aux rebelles berbèes. Alors la pacification de l'Algérie ne put commencer qu'avec la reddition d'Abdelkader le 21 décembre 1847.
En 1848, l’Algérie fut déclarée intégrante du territoire français et trois départements furent créés : Alger, Constantine et Oran. En 1870, le décret Crémieux offrit la naturalisation française aux Juifs d'Algérie, ce qui causa plus tard des tensions entre juifs et musulmans autochtones, quoique les musulmans pouvaient aussi faire demande de naturalisation, même avant les Juifs, à partir du Senatus-Consulte de 1864 concédé par Napoléon III dans son plan de créer un "royaume arabe", vassal de son empire. En 1881, l’Algérie comptait environ 3 millions de musulmans (dont 40% de Berbères), 250.000 Français ou Étrangers et 35.000 Juifs naturalisés (et recensés). La France avait aussi envoyé un grand nombre de colons alsaciens en Algérie après l'annexion de leur région par la Prusse.
VICHY (1940-1943)
Le décret Crémieux fut abrogé le 7 octobre 1940 sous le gouvernement de Vichy, qui accompagna cette décision par un train de lois antisémites. Ceci fut fait sous l’impulsion de Marcel Peyrouton, Ministre de l’Intérieur sous Vichy, qui signa avec Pétain, Laval et d’autres ministres concernés les fameux décrets antisémites. De facto, tous les Juifs d’Algérie furent aussitôt soumis aux discriminations raciales et les enfants juifs furent expulsés des écoles françaises, comme ce fut le cas de mes parents.
Heureusement que, quelques mois plus tard, les Alliés débarquèrent en Afrique du Nord. La libération d'Alger avant fin 1942 se fit en fait grâce à l'action de quelques 400 résistants, juifs pour la plupart et dirigés par un certain José Aboulker, de sorte que les chefs politiques et militaires de Vichy furent arrêtés avant même l’arrivée des alliés !
L’Algérie libérée fut mise par les Américains sous l’autorité du Général Giraud après que le général Darlan, ancien "dauphin" de Pétain et rallié aux Américains, ait été assassiné le jour de Noël 1942. Mais Giraud souhaita conserver les lois de Vichy ! Aussi les Américains lui firent comprendre qu’il n’était pas acceptable pour un territoire libéré de maintenir des lois raciales ou discriminatoires, et Giraud fut bien obligé de les abroger en mars 1943. Mais du même coup, il confirma aussi l’abrogation du décret Crémieux le jugeant lui aussi discriminatoire ! Ceci fut fait par l’impulsion dudit Marcel Peyrouton qui, après avoir servi Vichy, s’était rallié à Giraud et réussit ainsi à faire abroger par deux fois, par deux gouvernements successifs, le fameux décret de 1870. Finalement, le décret Crémieux fut rétabli en octobre 1943, et les Juifs d’Algérie purent redevenir officiellement Français pour la seconde fois.
INDEPENDANCE DE L'ALGERIE (1962)
Après la Seconde Guerre Mondiale, pour de nombreux algériens qui avaient servis dans l’armée de libération de la France, le retour au pays où ils n’avaient aucun statut autre que celui d’"indigène", le prix était amer. Peu après que les armes se soient tues en Europe, elles commencèrent à se faire entendre en Algérie. La France, à peine remise des épreuves de la guerre, dut envoyer contingent après contingent pour calmer les troubles. Les dérapages arrivèrent vite, par exemple à Sétif en 1945 où l’armée française tua un très grand nombre d’"indigènes" musulmans pour venger quelques colons lynchés par une foule. Le fossé se creusa entre algériens et colons protégés par une armée française de plus en plus débordée par l’ampleur du mouvement. Le chef du Front de Libération National (FLN) était un certain Ahmed Ben-Bella, originaire de Marnia, dont mes parents ont connu la famille qui avait une grande maison en ville avec un verger d’orangers. Ben-Bella, ensuite choisi comme premier chef d'état de l'Algérie indépendante, fut évincé du pouvoir par Boumédienne et incarcéré de longues années. Il est récemment mort, le 11 avril 2012.
Après près d’une vingtaine d’années de lutte, De Gaulle déclara finalement à une foule algérienne en liesse son fameux : Je vous ai compris. Quel autre choix avait-il? Donner la pleine citoyenneté à quelques 4,5 millions musulmans de cette colonie française? Quelques mois plus tard, les accords d’Évian scellaient l’indépendance de l’Algérie qui fut fixée pour le 1er juillet 1962. Ce fut alors un exode humain inégalé de plus d’un million de Français qui quittèrent leur terre natale, car les Algériens ne leur avaient laissé d’autre alternative que de choisir "entre la valise ou le cercueil". Nombre de ceux qui ne purent pas partir à temps se firent massacrer comme à Constantine en début juillet 1962.
La presque totalité des Juifs d’Algérie émigra aussi en France (130.000 personnes selon les chiffres). Ainsi se terminaient près de 3000 ans de leur présence dans cette contrée où ils étaient arrivés quelques 1600 ans avant la conquête musulmane. Les anciens villages et cimetières juifs ont été depuis laissés à l’abandon et l’usure du temps a fait son travail de destruction.
HISTOIRE DES BENHAMOU
Nous avons vu ici que les Juifs du Maghreb qui sont de groupe génétique Q (voire aussi E) sont arrivés en Afrique du Nord à l'époque du roi Salomon en tant que commerçants et colons d'une nouvelle contrée, afin d'alimenter le royaume israélite de denrées disverses et rares. A cause d'invasions et de persécutions, un grand nombre a disparu mais certaines familles, réfugiées depuis longtemps dans les montagnes de l'Atlas, ont réussi à survivre jusqu'au 19ème siècle. La colonisation française leur apporta alors une ère de progrès et d'émancipation. Beaucoup aujourd'hui sont éparpillés à travers le monde, dont en France, en Israël, aux Amériques et même en Asie. Leurs ancêtres étaient peu organisés autrement que par clans et tribus, dirigés par les "anciens" de chaque clan familial. Certaines de leurs coutumes semblent venues tout droit du temps du Premier Temple. Par exemple on peut citer le "sacrifice rituel" (de volailles ou autres) pendant les fêtes ou pour des actes expiatoires, émulant en quelque sorte les sacrifices faits au Temple. Chez les Juifs d’Afrique du Nord, le rabbin local avait aussi fonction de sacrificateur, en remplacement du Lévite ou Cohen du Temple. Ma famille Benhamou a suivi ce même parcours de 3000 ans.
ORIGINE DU NOM
Le nom Benhamou veut dire "Fils de Hamou", ou "Hammou" selon l'orthographe. Le nom était bien découpé en deux mots, Ben et Hamou, mais les deux parts ont été attachées à la francisation de ma famille en un seul mot: Benhamou. Il est vraisemblable que le nom ait été fabriqué ou adopté à un moment dans l'histoire car les noms anciens, et bibliques, ne faisaient appel qu'aus prénoms de la personne et de son parent: untel fils de untel.
Une hypothèse que j'ai lue plusieurs fois fait référence aux trois lettres qui forment le mot Hamou, H-M-O soit en hébreu: ח-מ-ו. Certains y voient les initiales des trois compagnons du prophète Daniel: Hananya, Mishaël et Azariah. Je ne crois pas trop à cette hypothèse car Daniel date de l'exil à Babylone et non ancêtres étaient depuis longtemps en Afrique du Nord. De plus, les lettres hébraïques des trois compagnons sont ח-מ-ע et non ח-מ-ו.
Une autre hypothèse est que le mot Hamou signifie "son beau-père": il s'agirait alors de dire que l'ancêtre Hamou des Benhamou ait été un enfant dont le père était mort et, comme sa mère s'était remariée, on lui aurait donné ce pseudonyme: Fils de son beau-père, pour honorer celui qui l'aurait élevé. Mais ce mot beau-père s'écrit plutôt חמי et ne s'emploie normalement que pour le père du mari d'une femme (bru), donc sous la forme féminine : son beau-père = חמיה comme dans Genèse 38:25.
Une autre lecture du nom Hamou en hébreu voudrait dire "sa chaleur". Là encore, explication non satisfaisante car "sa chaleur" au masculin se dirait חום שלו voire חומו, et donc il manquerait une lettre ו (vav) pour cadrer.
Mon hypothèse fait appel à la symbolique de ces trois lettres ח-מ-ו : le ח (lettre 'heth) est associé au chiffre 8 qui représente le spirituel (notamment l'alliance avec Dieu car le 8è jour est celui de la circoncision), le ו (lettre vav) vaut 6 et représente le matérialisme (les 6 jours de la Création notamment), enfin le מ (lettre mêm, localisée en plein milieu de l'alphabet hébraïque) a pour valeur 40 et symbolise l'équilibre (exemples: les 40 ans pour atteindre l'âge de raison, 40 ans dans le désert, etc). Donc en fait, ce nom Hamou écrit ח-מ-ו représente l'équilibre (מ) nécessaire entre spirituel (ח) et matériel (ו). Il se pourrait bien qu'il ait été composé à cet effet. Mais bon, rien n'est certain !
DEBDOU
On a vu que, en 1415, la ville de Debdou a été reconnu comme royaume et que son premier roi était un Béni-Hammou, d'une famille juive convertie à l'Islam mais visiblement tolérante envers les Juifs. Debdou était un point de passage au travers des montagnes de l'Atlas vers la ville de Tlemcen qui était une capitale régionale avant les Ottomans. Ceux-ci l'ont délaissée au fur et à mesure lui préférant un port: et donc Oran commença à croitre et continua à le faire lors de la colonisation française et l'Algérie moderne. Des liens séculaires avaient existé entre Debdou et Tlemcen et beaucoup de familles juives étaient réparties entre ses villes et dans la contrée entre elles, notamment à Khémis et à Marnia/Maghnia. En 1913, un rapport faisait état que Debdou a presque toujours été un centre important du Judaïsme. La population juive, de beaucoup la plus nombreuse autrefois, fut particulièrement éprouvée par les troubles de ces derniers temps ; elle constitue encore les deux tiers de la population de la ville sans compter les diverses colonies de Juifs de Debdou qui se trouvent dispersés en Algérie et dans la plupart des nouveaux centres espagnols et français. (Revue du Monde Musulman, 1913, pp. 237-269, article de Nahoum Slousch, ‘Les Juifs de Debdou’). Le même rapport notait que certains Juifs de Debdou étaient bijoutiers, tailleurs et tisserands. D’autres étaient éleveurs de moutons dans les environs.
Toujours selon le même rapport, une synagogue Chenouga Ben-Hammou, était dédiée au clan familial. La vie religieuse était très importante à Debdou où chaque synagogue possédait un Talmud Torah (une étude de Torah, un peu équivalent au catéchisme catholique) où les enfants apprenaient l’hébreu. La ville avait aussi fourni de nombreux rabbins à d’autres centres religieux du Maroc et de l’Algérie. Ainsi Debdou a été centre de la foi juive dans le Maghreb pendant plus de cinq siècles.
Dernier fait intéressant de ce rapport de 1913: les Juifs de Debdou s’étaient aussi installés dans toute la région du Maghreb, notamment autour de Tlemcen la grande métropole voisine qui comptait déjà un très grand nombre de familles juives. Il notait qu’à Tlemcen il y avait 29 familles juives originaires de Debdou et qu’à Marnia il y en avait 7. L’auteur estimait que les Juifs de Debdou représentaient environ 300 familles au total: en comparant ce nombre à celui de Tlemcen par exemple, on constate la grande importance de cette ville pour les Juifs de la région ! Et, selon un autre article, Debdou avait compté deux fois plus de Juifs jusqu’au milieu du 18ème siècle, avec environ 600 familles. Mais une épidémie de choléra poussa une partie d’entre eux à quitter la ville, ce qui expliquerait peut-être la migration de mon arrière-grand-père Benhamou un peu plus à l’est dans les montagnes, du côté algérien.
LA REGION DE KHEMIS
Mes aïeux se seraient installés avant la fin du 19è siècle dans la vallée des Béni-Snouss, près d'une bourgade arabo-berbère nommée Khémis, au milieu d'une contrée montagneuse et fort jolie. Aujourd'hui, cette région reste la seule des alentours de Tlemcen qui a conservé le parler berbère, dit zénéte. La fête la plus connue est celle du carnaval de l'Ayred, qui veut dire lion en langue berbère. Notons la similitude avec l'hébreu pour lion qui se dit Aryeh (אריה). Et aussi les repas de fêtes solennelles s'appellent elkorbane en berbère: notons la similitude avec le mot korban (קרבן) en hébreu qui signifie sacrifice (pour les offrandes aux jours de fête religieuse). La présence de Juifs dans cette région prédate l'arrivée des Arabes au 8ème siècle, comme l'a précisé le grand historien arabe du 14ème siècle, Ibn-Khaldoun. Il a aussi mentionné dans son Histoire des Berbères au sujet des Beni Snous: L’un d’eux, Yahia Ben Moussa Es Senoussi, fut en 1327 l’un des grands généraux du sultan de Tlemcen. Notons le nom: Yahia ben Moussa est un nom bien juif, Yahia étant lui-même un prénom très utilisé dans ma famille et Moussa signifiant Moïse, et Senoussi veut dire de Béni-Snouss, donc de la région où se trouve Khémis. Nous sommes donc loin de la théorie arabe habituelle qui affirme que les Juifs sont arrivés au Maghreb après l'expulsion d'Espagne !
L’origine du nom Khémis est dans le mot 'Hamsa, qui veut dire cinq en arabe, un nombre très employé chez les Juifs et les Arabes car censé porter chance.
Dans un article publié en 1941, Les Béni-Snous, Roger Bellissant a raconté son arrivée dans la belle vallée de Khémis et l’emplacement, à gauche avant de se rendre à la bourgade arabe elle-même, de la tribu sédentarisée de nos ancêtres, celle des Béni-Hammou. Il précisa que cette bourgade de Béni-Hammou comptait alors 850 habitants, répartis dans cinq agglomérations autour de Khémis. En comparaison la bourgade de Khémis comptait alors 2000 habitants.
Sur la photo ci-dessus, on voit le minaret blanc de la mosquée de Khémis. La description de 1941 fait référence à un lieu-dit Béni-Hammou à l'entrée de la vallée de Khémis: il se situait sur la hauteur à gauche de cette photo ancienne. Cette bourgade est en ruines aujourd'hui, et les locaux l'apellent el-Fahs. Mes aïeux s'étaient installés au-delà de Khémis, dans une autre bourgade appelée Oulad Moussa (ce qui veu dire Fils de Moïse; donc un bourg juif): j'ai situé l'endroit sur cette copie-écran de Google Earth. Leur bourgade est aussi en ruines bien entendu. Pour y accéder à partir de la route qui longe la vallée, il faut traverser un petit pont qui enjambe le oued (wadi) Khémis. De l'autre côté de cette petite route se trouve le cimetière juif du douar Oulad Moussa. La vallée est dite de Béni-Snouss.
Sur la photo ci-dessous, aussi de 1941, prise de l'autre côté de Khémis, on voit la bourgade (douar) de mes ancêtres au premier plan et on distingue le minaret blanc de la mosquée de Khémis au milieu de la photo.
L'activité économique des gens de la région était centrée sur l'artisanat de deux produits: le travail du fer-blanc, grâce à des mines de fer toutes proches à Tafessera, et la production de tapis en nattes, qui s'appelle hssira, qui a donné le nom à la famille de mes ancêtres côté maternel: les Abou-Hassira (qui veut dire la confrérie des tapis en nattes). Mise à part ces deux productions majeures, les gens vivaient aussi évidemment d'élevage et d'agriculture.
Mais il nous revenir sur cette bourgade de Khémis. D'après les anciens, elle était peuplée entièrement de Juifs depuis l'ère romaine, voire même auparavant, et ce jusqu'à la conquête arabe au 8è siècle. La mosquée actuelle avait été établie à la place d'une très ancienne synagogue dont la mézouza existait encore au début du 20è siècle sous une épaisse couverture de chaux. Ceci n'est pas juste une légende: même les Arabes locaux affirment que leur mosquée date de temps immémoriaux... ils n'ont pas tort car ce bâtiment était une synagogue antérieure à la conquête arabe !!
A la fin du 19è siècle, Khémis était déjà établie comme bourgade arabe depuis des siècles, mais les alentours étaient habités par diverses familles juives dont les Ben-Hamou qui étaient en majorité. Jugez que les villages juifs étaient généralement dénommés comme les Ouled Moussa, c'est-à-dire les Enfants de Moïse, mais que les Ben Hamou étaient si nombreux qu'ils étaients dénommés, et par les Arabes et par les autorités françaises, comme les Ouled Hammou.
MARNIA / MAGHNIA
Tlemcen était une des quatre sous-préfectures du département d’Oran, et Maghnia en était une commune. Le site de Maghnia se trouvant sur l’axe routier avec la ville d’Oujda au Maroc, les Français y établirent un camp militaire retranché (la "redoute") pour surveiller la frontière. En cela ils avaient copié les Arabes qui y avaient établi le poste de Lalla-Maghnia, eux ayant copié les Romains et Byzantins qui y tenaient un poste pour une unité militaire numerus (de 400 à 500 soldats) appelé Syrorum, comme on l'a vue précédemment. Une inscription romaine parle de Syrorum (Maghnia) et de Pomaria (Tlemcen).
Le nom Lalla-Maghnia provient d'une femme que l'on disait sainte et dont le marabout (kouba, mausolée funéraire) se sitait à quelques 2 km au sud du centre de la Marnia française, près du oued de la Tafna. Après le camp militaire de Marnia, formé en 1844, une vie commerciale commença à s’organiser. Sous la protection militaire, des colons français et étrangers s’y installèrent. Les nomades judéo-berbères des environs venaient y vendre les produits de leur élevage, de leur récolte ou de leur métier. Ce marché développa le commerce et la ville de Maghnia s’agrandit au fur et à mesure. Pour illustrer sa croissance très rapide, voyons quelques chiffres. En 1875, la ville comptait 669 habitants et un marché considérable y avait lieu tous les dimanches (Achille Fillias, Dictionnaire des communes, villes et villages de l’Algérie, 1878, p. 60). Une année plus tard, elle en comptait déjà 2707 dont 134 Juifs (O. Niel, Géographie de l’Algérie, 1876, p. 493). Et, à la fin du 19ème siècle, la population comptait plus de 33.000 habitants, dont 577 Juifs.
Dans les environs de Maghnia, il y avait un certain nombre de bourgades de Juifs sédentarisés, dont les Ben-Hammou, Ouled Hammou et autres appellations. Ces groupes ont été considérés comme des locaux (les Français disaient "indigènes") des environs de Maghnia, car ils étaient cités comme des tribus berbères juives faisant partie de la "Commune Mixte" de Maghnia, créée par décret de décembre 1875. Le terme Commune Mixte voulait dire que c’était une commune où vivaient colons et "indigènes". Mais ce statut de Commune Mixte n'a été appliqué qu'en 1922. En 1929, le maire était juif: Elie Chouraqui. En 1934, son conseil municipale comprenait 8 Israélites, 6 Musulmans et 4 Chrétiens. A partir de 1953 et jusqu'à l'indépendance algérienne, le dernier maire de la ville française s'appelait Louis Gerbaux (ou Gerbaud).
A cette époque, mon arrière-grand-père, Joseph dit Sosso, armurier de métier, était arrivé de Debdou et s'était installé à l'extérieur de la bourgade musulmane de Khémis, dans les montagnes du Béni-Snouss. Son fils, mon grand-père paternel, Abraham, fabriquait des selles de monture et avait aussi créé un élevage qui avait atteint 400 têtes en 1962. Il employait des bergers berbères pour garder ce troupeau près de Khémis. Il s'est installé à Marnia après la naissance de son fils aîné, Joseph, en 1905. Ses fils, mes oncles, étaient notamment fer-blantiers et tailleurs. C'est là que ses autres enfants, dont mon père, sont nés, ainsi que moi-même. Pourquoi s'installer à Marnia? C'était devenu un centre important de commerce et d'activités dans la région. De plus, ses enfants pouvaient bénéficier de l'éducation nationale française à l'école, ce qui n'était pas possible dans les contrées reculées du Khémis.
Voici quelques photos de la Marnia française, d'avant 1962, avec explications.
La photo ci-dessus, prise en direction du nord, montre la place principale, avec un monument aux morts surmonté d'un coq (emblème de la France). Sur la place, l'église et, de l'autre côté de la place, c'était la mairie (pas sur cette photo). En arrière-plan, au nord de Marnia, sur la hauteur, c'était la Vigie, un poste de surveillance pour la frontière voisine. La rue montante était la rue du Lieutenant Rose. On remontait cette rue et, à la première rue à droite (rue Martinprey), on se rendait à l'école. Si on continuait à remonter le rue du Lieutenant Rose jusqu'au croisement de la deuxième rue, on arrivait à la synagogue sur la gauche, avec la maison de mes parents attenante que l'on distingue sur la gauche de la photo suivante. La physionomie des lieux a complétement changé aujourd'hui, bien entendu, et la synagogue est devenu un centre culturel. Ma maison natale existe toujours, quoique bien transformée.