La statue porte des inscriptions cunéiformes qui racontent l'histoire de ce roi, sa fuite vers le sud, en Canaan, et son séjour sur place pendant 7 ans parmi un peuple appelé les "Hapiru" :

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Le lendemain, je suis parti et je suis allé vers Canaan. À Canaan se trouve Ammi-ja. [...]

Je suis resté parmi le peuple Hapiru pendant sept ans. J'ai laissé voler des oiseaux et sacrifié des agneaux. (Inscription d'Idri-mi, traduction Albert Benhamou)

 

Tout d'abord situons le contexte de la chronologie biblique concernant les patriarches :

 

• an 1948 (-1812) : naissance d'Abraham, fils de Térah, à Ur

• an 1996 (-1764) : tour de Babel, et départ des Hébreux de Ur

• an 2022 (-1737) : Dieu s'adresse à Abraham, à Harran

• an 2024 (-1736) : Abraham revient d'Égypte

• an 2030 (-1730) : Alliance "des morceaux" entre Dieu et la descendance d'Abraham

• an 2048 (-1712) : naissance d'Isaac, fils d'Abraham, en Canaan

• an 2108 (-1652) : naissance des jumeaux Esaü et Jacob, fils d'Isaac

• an 2123 (-1637) : mort d'Abraham ; Ésaü donne son droit d'ainesse à Jacob

• an 2185 (-1575) : Jacob se sauve à Harran pour échapper à son frère Ésaü

• an 2187 (-1573) : mort d'Éber, l'ancêtre des Hébreux, connus alors comme les Hapiru

• an 2205 (-1555) : retour de Jacob, et tout son clan familial, en Canaan

• an 2210 (-1550) : en Égypte, début de la 18ème dynastie avec le pharaon Ahmosis I

• an 2228 (-1532) : Ahmosis expulse les Hyksos et unifie la Basse et Haute Égypte

 

On constate que la datation de la statue d'Idri-mi correspond au moment de la présence du clan familial des Hébreux en Canaan, à partir de l'an -1555. Le premier intérêt de ce texte est qu'Idri-mi mentionne le nom de la contrée dite "Canaan" : c'est la première mention archéologique de ce nom, qui corrobore le nom donné dans la Bible. Et ce texte confirme aussi la présence en Canaan des "Hapiru", un nom de la même racine étymologique que "Hébreux" : il s'agit sans doute de clans familiaux descendants d'Éber, y compris le clan de Jacob. Il est possible que le lieu mentionné comme Ammi-Ja dans ce texte soit le lieu sacré du clan de Jacob, là où ils faisaient leurs sacrifices. Car Ammi-Ja signifie Peuple du Tout-Puissant (Ammi = peuple, Ja = le Dieu unique, foi monothéiste). Rappelons ici un verset biblique lorsque Dieu enjoint à Jacob de retourner en Canaan :

 

"Je suis le Dieu de Beth-El, où tu as oint une colonne, où tu m'as fait un vœu. Maintenant, lève-toi, sors de ce pays [de Harran], et retourne au pays de ta naissance [Canaan]." (Genèse 31:13)

 

Jacob retourna donc à Canaan et éleva un autel à Dieu à Béthel, qui signifie Maison de Dieu. C'était là, sur le chemin de se rendre à Harran plusieurs années auparavant, où il avait rêvé d'une échelle qui montait aux cieux (à ce sujet, vous pouvez lire mon article en cliquant ici). En d'autres termes, il fort probable qu'Ammi-Ja soit en fait Beth-El. Et c'est là-bas qu'il a lui aussi sacrifier selon les coutumes des Hébreux. Car Idri-Mi mentionne aussi qu'il a laissé voler des oiseaux et sacrifié des agneaux : ce type de sacrifice était typique des Hébreux, et des Juifs plus tard, car les autres peuples antiques ne sacrifiaient pas d'agneaux, qu'ils considéraient sacrés. La mention de laisser voler des oiseaux est aussi typique du sacrifice des Hébreux : une part du sacrifice animal était effectivement sacrifié, et l'autre part était libérée. Aucun autre peuple antique, mis à part les Hébreux, procédait ainsi ! La première mention biblique de ce type de sacrifice est dans l'alliance que passe Dieu avec Abraham et sa descendance, l'alliance dite "des morceaux" :

 

Et Dieu lui dit : "Je suis l’Éternel, qui t’ai tiré d’Ur en Chaldée, pour te donner ce pays [de Canaan] en possession." Il répondit : "Dieu-Éternel, comment saurai-je que j’en suis possesseur ?" Il lui dit : "Prépare-moi une génisse âgée de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe." Abram prit tous ces animaux, divisa chacun par le milieu, et disposa chaque moitié en regard de l’autre ; mais il ne divisa point les oiseaux. (Genèse 15:7-10)

 

Sans entrer dans les commentaires au sujet des animaux de sacrifice, notons simplement que les animaux de taille, comme la génisse, la chèvre et le bélier, représentent le monde matériel dominé par des grands empires qui sont voués à être déchirés et donc voués à extinction. Alors que la colombe est symbole de spiritualité et de l'âme, voire du peuple d'Israël (Cantique des Cantiques 2:14). Le Christianisme a aussi choisi la colombe pour symboliser le Saint Esprit. Ainsi, on peut sacrifier une colombe comme offrande à Dieu mais il est interdit de la diviser en la séparant en morceaux (Lévitique 1:17). Selon le but du sacrifice, deux animaux peuvent être pris au lieu d'un seul, ceci afin d'en sacrifier un et de relâcher l'autre (Lévitique 16:7-22).

 

La découverte archéologique de la statue d'Idri-mi est importante car il existe une théorie selon laquelle le peuple hébreu aurait été une sorte secte issue d'Égypte qui est arrivée en Canaan bien plus tard, et y a ensuite établi une royauté. Or cette statue d'Idri-mi prouve que cette théorie est fausse !

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Albert Benhamou

Guide touristique francophone en Israël

Décembre 2024