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Contexte historique de Pourim

La fête juive de Pourim tombe chaque année à la date du 15 Adar qui se situe généralement entre les mois de février et mars, et un mois avant la fête annuelle de Pessah (la Pâques juive tombe le 15 Nissan). C'est une fête joyeuse car le peuple juif avait été menacé d'extermination aux temps reculés de l'empire perse mais avait surmonté cette épreuve. En Israël, la fête donne lieu à plusieurs festivités, des friandises à déguster en cette occasion, et à des déguisements.

Lors de Pourim, il est coutume de se rendre dans les synagogues et d'écouter la lecture de la méguila d'Esther, qui est le rouleau de parchemin sur lequel est écrit à la main l'histoire de cette fête. Cette lecture publique est assez pittoresque car presque tout le monde est déguisé, ou du moins les enfants, et chaque prononciation du nom "Aman" donne lieu à un vacarme ! Alors qui était cet Aman, et qui étaient les protagonistes de cette histoire, comme Esther, Mordéhai et, bien entendu, le tout puissant roi Assuérus ? Cet article nous plonge dans l’empire perse de l’époque pour situer le contexte historique de Pourim et son narratif dans la Bible.


Le livre d’Esther, que nous lisons à Pourim, s’ouvre sur le nom d’un roi, Assuérus :


Ce fut au temps d'Assuérus, de ce même Assuérus qui régnait de l'Inde à l'Ethiopie sur cent vingt-sept provinces. En ce temps-là, le roi Assuérus était établi sur son trône royal, dans Suse la capitale. (Esther 1:1-2)


Selon la chronologie des rois de Perse, mise en parallèle avec la chronologie biblique, cet Assuérus était le roi Xerxès qui commença à régner en 486 avant notre ère. Son père, Darius le Mède (Daniel 6:1), avait tenté pour la première fois d’étendre l’empire perse jusqu’au continent européen en s’attaquant à la Grèce. Mais ses espoirs avaient été brisés après sa défaite à Marathon en -490. Étant déjà âgé, il laissa ce projet de conquête à son fils Xerxès qui hérita tout de même d’un vaste empire, le plus vaste que la Perse n’ait jamais connu. Comme le dit le texte biblique, il s’étendait sur 127 provinces, nombre qui correspond d’ailleurs au nombre d’années de la vie de la matriarche Sarah (Genèse 23:1) pour signifier que Sarah et Assuérus étaient à l’apogée de leur existence.


Le nom Assuérus n’est pas un nom propre mais était un titre en Perse, comme on parle de Pharaon dans la Bible, ou de roi et tsar ailleurs, sans toujours préciser de quel monarque il s’agit. On trouve aussi le terme Assuérus dans le Livre de Daniel 9:1, écrit אֲחַשְׁוֵרוֹשׁ exactement comme dans le Livre d’Esther. À quoi correspond ce mot ? Daniel nous donne un indice :


Il parut bon à Darius de préposer au royaume un [système de] satrapia, cent vingt, pour gouverner tout le royaume. (Daniel 6:2)


On constate d’abord que, au début du règne de Darius, son empire s’étendait sur 120 satrapies et qu’il en avait forcément ajouté 7 autres pendant son règne car le texte biblique mentionne 127 provinces pour son fils Xerxès. Le mot ‘satrapia’ s’écrit אֲחַשְׁדַּרְפְּנַיָּא pour désigner les provinces perses, gouvernées par des ‘satrapes’. Il y a corrélation entre ce mot et le nom Assuérus car tous deux commencent par אֲחַשְׁ. Ce préfixe est d’origine perse, écrit Acha ou Axa en lettres latines, indiquant cette dynastie perse : les Achéménides. Ces rois ont régné pendant 200 ans environ, depuis Cyrus jusqu’à Alexandre le Grand. Un satrape était un haut dignitaire achéménide et Assuérus (prononcé A’chach-vé-roch en hébreu) était le monarque, donc la tête (roch en hébreu), de l’empire A’cha-ménide et de ses satrapes. Notons enfin que le nom Xerxès n’est que la version gréco-latine mais son nom véritable en vieux persan était Axâyârsâ qui est plus proche phonétiquement du nom biblique אֲחַשְׁוֵרוֹשׁ.


Le festin qu’Assuérus donna (Esther 1:3-8) était d’ordre politique, pour rallier les satrapes de son empire à une nouvelle campagne contre la Grèce. On sait que son épouse Vashti avait refusé de se présenter à ce festin. Mais elle était la fille d’Otanès, le haut dignitaire qui avait mis Darius sur le trône. Assuérus, malgré son pouvoir absolu, usa de prudence et consulta ses sept ministres pour savoir quelle punition imposer (Esther 1:13-15). Parmi eux, Mémoukhan proposa d’écarter Vashti des faveurs royales et de choisir une autre compagne.


Cet avis parut excellent aux yeux du roi et des seigneurs, et le roi agit conformément aux paroles de Mémoukhan. Il expédia des lettres dans toutes les provinces royales, dans chaque province selon son système d'écriture et dans chaque peuplade selon son idiome. (Esther 1:21-22)


Cette façon de faire de Mémoukhan, d’envoyer des lettres à toutes les provinces, a fait penser à nos Sages qu’il s’agissait du maléfique Aman, descendant de la tribu d'Amalek, car ce fut sa façon de procéder lorsqu’il voulut exterminer les Juifs par la suite :


Un Tanna a enseigné : Mémoukhan est le même qu'Aman, Et pourquoi s'appelait-il Mémoukhan (מְמוּכָן) ? Parce qu'il était prédestiné [מוּכָן] au châtiment. (Talmud, traité Méguila, page 12b)


Xerxès lança sa campagne contre la Grèce au printemps de -480. Mais elle s’avéra désastreuse et le roi s’en retourna à Suse lors de l’hiver de la même année.  


Guerriers perses
Guerriers perses, issus du palais de Darius à Suse (Musée du Louvre)

Nous sommes alors en l’an -479. Le prestige du roi était altéré. À tout moment, un coup d’état pouvait l'éliminer et l’écarter du pouvoir. Il lui fallait des héritiers pour assurer sa lignée sur le trône. Il voulut rappeler Vashti, écartée juste avant sa campagne, mais les dignitaires s’y opposèrent (Esther 2:1-2) et lui trouvèrent une remplaçante : une jeune orpheline, Hadassa, remarquable de beauté. Elle cacha son origine juive en empruntant un nom perse, Esther, c’est-à-dire Ishtar, divinité de la fécondité. Ceci se passa au 10ème mois de la 7ème année de règne (Esther 2:16) donc en l’an -479. Esther devint la nouvelle reine et enfanta une fille, Damaspia.


La reine Esther
La reine Esther, Edwin Long, 1879 (National Gallery of Victoria, Melbourne)

Xerxès fut finalement assassiné ainsi que tous ses fils. Tous sauf un : Artaxerxès, fils de Vashti répudiée. Après la mort de sa mère, Esther l’avait pris sous sa protection car elle-même avait été orpheline. Artaxerxès se saisit du trône et prit le titre de Roi des Rois (Ezra 7:12). Il épousa Damaspia et, pour favoriser les Juifs, s’adressa à Ezra le Scribe :


Il est décrété par moi que quiconque dans mon royaume, parmi le peuple d'Israël, […] veut bien partir avec toi pour Jérusalem, pourra partir ; car tu es envoyé par le roi et ses sept conseillers pour t'occuper de la Judée et de Jérusalem, sous l'inspiration de la loi de ton Dieu, […] Dieu d'Israël, dont la résidence est à Jérusalem. (Ezra 7:13-15)


Ce décret fut d’une importance capitale pour les Juifs qui opérèrent le grand Retour à Sion, après celui plus difficile que Zerubbabel avait mené au temps du décret de Cyrus (Ezra 1). Grâce à Ezra, le judaïsme fut renforcé et le Tanakh (la Bible hébraïque) fut compilé vers l’an -444.   


Ensuite Artaxerxès prit le juif Néhémie à son service. Celui-ci le supplia ensuite de l’autoriser à rebâtir Jérusalem et ses murs. Il n’est pas anodin de noter que la Bible mentionne la présence de la reine, juive, auprès d’Artaxerxès lors de son accord :


Le roi, qui avait la reine assise à ses côtés, me répondit : "Combien de temps durera ton voyage et quand seras-tu de retour ?" Ainsi il plut au roi de m'accorder un congé, et je lui fixai un délai. (Néhémie 2:6)


Néhémie devant les murs détruits de Jérusalem
Néhémie devant les murs détruits de Jérusalem (Gustave Doré, 1868)

Le fils d’Artaxerxès était évidemment juif par sa mère, selon la Halakha (la loi juive). Il monta sur le trône en -424 sous le nom de Xerxès II. Mais son règne fut de très courte durée car il fut assassiné peu après. Ainsi s’acheva la descendance d’Assuérus par Esther qui, quoique ayant duré à peine 55 ans, a été cruciale pour le peuple juif. Car, sans cet épisode de Pourim, et sans cette brève présence juive à la cour de Perse, le retour de Sion et le renouveau du Judaïsme auraient été improbables.


Dynastie achéménide
Dynastie achéménide

Pour en savoir plus sur le mois d'Adar et la fête de Pourim, cliquez ici.

 

Albert Benhamou

Guide touristique francophone en Israël

Mars 2025 - Adar 5785

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