La visite du président français Emmanuel Macron en janvier 2020 a été quelque peu ternie par son coup de colère envers le service de sécurité israélien qui l'accompagnait dans la ville de Jérusalem et l'avait suivi, comme convenu avec leurs homologues français, au site de Sainte-Anne. M. Macron a en cela répété l'incident qu'un de ses prédécesseurs, Jacques Chirac, en ce même lieu.
Ces incidents me conduisent à parler aujourd'hui de l'historique du site de Sainte-Anne, aussi connu comme site du bassin de Béthesda.
ORIGINE DU NOM
Il s'appelle aujourd'hui le site de Sainte-Anne car, selon une tradition byzantine, Anne et Joaquim, les parents de Marie future mère de Jésus, habitaient en ces lieux. Une grotte sous l'église actuelle (du nom de Sainte-Anne justement) est le lieu traditionnel de la naissance de Marie (née par l'Immaculée Conception).
Mais il existe d'autres alternatives à son lieu de naissance, notamment à Sépphoris en Galilée, non loin de Nazareth, où se trouve aussi un couvent Sainte-Anne.
Ce site est aussi connu comme lieu des Bassins de Béthesda. Alors que le nom de Sainte-Anne date du Christianisme, le nom de Béthesda est plus ancien de plusieurs siècles.
SITUATION
Le site se trouve tout près de la Porte des Lions qui fait face au Mont des Oliviers. Il se trouve donc aujourd'hui dans le Quartier Musulman de la Vieille Ville de Jérusalem. Avant la prise de Jérusalem par les Croisés en 1099, ce quartier avait été le Quartier Juif. Comme on le sait, Musulmans et Juifs ont été massacrés lors de la prise de la ville alors que les Chrétiens en avaient été expulsés avant le siège des Croisés.
EPOQUE PREMIER TEMPLE
Un bassin avait été creusé en ce lieu pour retenir les eaux pluviales au nord du Mont du Temple et les acheminer en direction du Temple de Salomon à travers un conduit (aqueduc). Les prêtres de service avaient fréquemment besoin d'eau, pour les purifications notamment. Ce bassin est mentionné dans la Bible:
De Lakhich, le roi d'Assyrie envoya Tartân, Rabsaris et Rabchakè, avec une puissante armée, contre le roi Ezéchias à Jérusalem. Ils se mirent donc en marche et atteignirent Jérusalem. Arrivés là, ils s'établirent près de l'aqueduc du bassin supérieur, sur la route qui conduit au champ du lavoir. (II Rois 18:17, et aussi dans Isaïe 36:2)
Il est question dans ce verset biblique de la campagne de Sénnachérib, roi d'Assyrie, en 701 avant notre ère, contre Ezéchias, roi de Judée. Le nord de Jérusalem est topographiquement plus élevé que le reste de la ville et il n'y avait qu'un seul bassin de rétention et son conduit pour acheminer les eaux au Temple. La Bible est correcte en l'appelant le "bassin supérieur". Dans les environs, du fait des eaux pluviales, il y avait aussi en toute logique un lavoir.
Ce bassin "supérieur" existait du temps d'Isaïe et du roi Achaz de Judée, père d'Ezéchias, vers 730 avant notre ère:
L'Eternel dit alors à Isaïe: "Rends-toi au-devant d'Achaz, toi et Chear-Yachoub, ton fils, vers l'extrémité du canal du bassin supérieur, sur la route qui conduit au champ du lavoir. (Isaïe 7:3)
Ce bassin supérieur date donc du 8è siècle avant notre ère, voire plus tôt, pendant la période Premier Temple (période biblique). Il avait été initialement construit en élevant une digue pour faire barrage aux eaux pluviales et les retenir.
EPOQUE SECOND TEMPLE
Mais cinq siècles plus tard, pendant la période du Second Temple, un second bassin, a été creusé au sud de la digue du premier, et parallèlement à celui-ci. Il en est question dans le livre de Ben Sira:
C’est le grand prêtre Simon, fils d’Onias, qui, pendant sa vie, répara la Maison de Dieu et, de son temps, consolida le sanctuaire. C’est lui qui posa les fondations du double mur pour servir de soubassement à l’enceinte du Temple. De son temps fut creusé le réservoir des eaux, un bassin vaste comme une mer. (Livre de Ben Sira, 50:1-3)
Simon fils d'Onias (aussi connu sous le nom de Simon le Juste) a été grand-prêtre (le Kohen Gadol) autour de 280-240 avant notre ère. Il aurait tenu ce rôle pendant 40 ans (selon Talmud Yoma 9a). Il enseignait le principe suivant:
Le monde repose sur trois choses: la Torah, le service divin, et la pratique de la bonté. (Maxime des Pères, mishna 2)
C'est donc sous son initiative que le "réservoir des eaux" a été creusé. Il s'agissait du second bassin parallèle et au sud du premier. Encore à cette époque, l'arrivée d'eaux pures au Temple se faisait principalement par ces deux bassins et leurs conduits/aqueducs. Mais ils ne se remplissaient qu'à la saison des pluies. Autrement, proche du Temple, plusieurs puits avaient été creusés pour recueillir des eaux souterraines.
EPOQUE HASMONEENNE
Au temps de la dynastie des Hasmonéens (qui débute en 142 avant notre ère, après la révolte des Maccabées), l'eau de ces bassins n'était plus suffisante pour la population de la ville et pour le service du Temple: on construisit alors des aqueducs ingénieux, comme les Romains savaient le faire, à partir des sources d'eaux pures, et surtout permanentes, depuis les monts de Judée (aux environs de Bethléem) jusqu'au Temple de Jérusalem.
Ces changements ont fait que les deux bassins de Béthesda n'étaient plus utilisés pour le Temple, qui bénéficiait alors, comme le reste de la ville, de l'apport en eau de source pure et permanente. Ces bassins étaient alors utilisés comme lieu de rassemblement des brebis destinées à être sacrifiées au Temple lors des grands événements religieux. Avant de pénétrer dans l'enceinte du Temple, elles étaient purifiées dans ces bassins alors connus comme "bassins probatiques".
Mais, tout au long de l'année, ils étaient aussi le lieu d'attente d'handicapés en tous genres (aveugles, boiteux, etc) qui espéraient une guérison miraculeuse compte tenu que ces bassins avaient alimenté le Temple depuis plusieurs siècles. Ils reçurent ainsi le nom de bassins (ou piscines) de Béthesda. Le nom vient de l'hébreu Beit-Hisda qui signifie: "maison de la miséricorde". Là les malades espéraient la miséricorde divine.
Lors de son règne, le roi Hérode aménagea l'enceinte du Temple et construisit une grande esplanade (l'actuelle esplanade des mosquées) et plusieurs édifices. Sur le coin nord-ouest de l'enceinte du Temple, il rénova vers 35 avant notre ère la forteresse hasmonéenne qui y avait été construite, et la renomma Antonia en l'honneur de Marc-Antoine (amant de Cléopâtre) qui régnait à Alexandrie sur les provinces orientales de l'Empire Romain (ce jusqu'à la bataille navale d'Actium de 31 avant JC). Avec ce mur d'enceinte au nord du Temple, les anciens aqueducs furent barrés.
MIRACLE DE JESUS
Jésus et ses disciples arrivèrent à Jérusalem en l'an 33. Ils se rendirent à la piscine de Béthesda et y virent un paralytique. L'histoire est narrée dans l'Evangile de Jean:
Après cela, il y eut une fête des Juifs [Pâques], et Jésus monta à Jérusalem. Or, à Jérusalem, près de la porte des brebis, il y a une piscine qui s'appelle en hébreu Béthesda, et qui a cinq portiques [colonnades]. Sous ces portiques étaient couchés en grand nombre des malades, des aveugles, des boiteux, des paralytiques, qui attendaient le mouvement de l'eau; car un ange descendait de temps en temps dans la piscine, et agitait l'eau; et celui qui y descendait le premier après que l'eau avait été agitée était guéri, quelle que fût sa maladie. Là se trouvait un homme malade depuis trente-huit ans. (Jean 5:1-5)
Et ainsi Jésus guérit ce paralytique mais, comme ceci se passa un jour de Chabbat, lors de son arrivée dans la ville sainte (car il fut crucifié le vendredi suivant, veille de la Pâques juive), il commença à se créer des difficultés avec les autorités religieuses à cause de sa transgression du jour de repos.
La description de Jean (piscine de Béthesda, l'assemblement de malades, la porte des brebis) ne laisse planer aucun doute: il s'agit bien de cet endroit, des bassins probatiques, où Jésus a fait son premier miracle dans la ville de Jérusalem.
Origène, un des pères de l'Eglise, a commenté vers 235 la mention des "cinq portiques" dans ce passage de l'évangile de Jean comme s'agissant de quatre portiques qui entouraient les bassins et d'un portique transversal (c'était celui qui avait été bâti sur le barrage du premier bassin nord).
EPOQUE ROMAINE
Les Romains ont détruit Jérusalem et son Temple en l'an 70. Puis vers 130-135, ils l'ont reconstruite comme ville romaine renommée Aelia Capitolina (ils ont aussi renommé Judée en "Palestine", ceci pour effacer tout souvenir de la révolte des Judéens/Juifs contre Rome). A l'endroit des bassins de miséricorde (Béthesda), ils construisirent un temple dédié au dieu de la guérison, Esculape (Asclépios chez les Grecs). Ce dieu a donné leur logo (bâton et serpent) aux pharmaciens d'aujourd'hui.
EPOQUE BYZANTINE
Éventuellement l'Empire Romain adopta le Christianisme comme religion d'état en 391 sous le règne de Théodose I. Il fit alors interdire tous les cultes païens et plusieurs temples furent ainsi détruits. L'impératrice Eudocie vécut à Jérusalem dans les dernières décennies de sa vie et y mourut en 460. Vers l'an 445, elle fit construire une église sur les ruines du temple romain dédié à Esculape, au-dessus des bassins probatiques.
Cette église fut dédiée à Anne, mère de Marie. Ce sont les Byzantins qui ont créé cette tradition que le lieu de nativité de Marie, future mère de Jésus, se déroula à cet endroit. Car, selon la tradition, son mari Joaquim travaillait au Temple et donc vivait juste à l'extérieur de son enceinte au nord de la ville. On célébrait cette fête de la nativité de la Vierge le 8 Septembre, comme aujourd'hui. L'église byzantine figure sur la fameuse carte de Madaba datant du milieu du 6è siècle.
Le pèlerin de Piacenza a écrit en 570 que l'on entrait dans cette église à travers un des portiques. L'église fut endommagée en 614 par les Sassanides (Perses). Antiochus Strategos, un moine de la laura de Mar Saba vivant dans les grottes du désert de Judée durant l'invasion perse, participa après le départ des Perses à la recherche dans Jérusalem des Chrétiens tués, afin de les ensevelir. Il déclara qu'il y avait eu 2107 corps jetés dans les bassins de Béthesda. L'église fut plus tard restaurée par le moine Modeste, sous le patriarcat de Juvénal après 451 (Jérusalem obtint le statut d'église autocéphale au concile de Calcédoine de cette année-là, avant de devenir un patriarcat en 531). Elle connut un développement monacal au temps de Charlemagne vers 800. Mais l'église fut de nouveau complètement détruite sur ordre du calife égyptien al-Hakim en 1009.
EPOQUE DES CROISADES
Les forces de la Première Croisade s'emparèrent de Jérusalem en juillet 1099. Un témoin a écrit au sujet des bassins de Béthesda:
Au nord du Temple, et séparé de lui par un certain bassin [note: il s'agit ici du bassin Birket Israel, très longtemps confondu avec les bassins de Béthesda qui, lui, avait cinq portiques], se trouve l'église de Sainte-Anne [note: les ruines de l'église byzantine]... En face de cette église, un bassin d'eau a été trouvé par les Francs [note: les Croisés] qui préserve encore les vestiges d'un ancien bassin et qui a cinq portiques. Ici, au temps du Christ, on peut lire qu'un ange descendait et qu'en touchant les eaux, il guérissait l'infirme. A présent, les gens y descendent au travers d'un seul portique et y goûtent une eau au goût amer qui confère fréquemment la guérison aux malades. Il est vénéré par les croyants de la ville. (Gesta Francorum, XXXII, oeuvre attribuée par erreur à Bartolf de Nangis)
Les Croisés construisirent d'abord un 'moustier' (chapelle de monastère) sur les ruines de la grande église byzantine au-dessus des bassins.
Puis, vers 1140, la reine régente de Jérusalem, Mélisende, rénova ou construisit un certain nombre d'églises dont l'église Sainte-Anne à côté de la chapelle croisée existante.
Suite à la construction de cette église, et peut-être pour dissocier les deux vénérations, du miracle de Jésus et de la nativité de la Vierge, les Templiers déclarèrent alors que la piscine du miracle était plutôt celle trouvée plus près de l'enceinte du Temple. Elle est connue sous le nom de Birket Israel, c-a-d bassin d'Israël. Cette confusion (voulue ou non) continua ainsi jusqu'en 1888 lorsque des fouilles archéologiques rétablirent la vérité.
EPOQUE ARABE
Le Royaume Latin de Jérusalem cessa d'exister dans les quelques mois qui suivirent la victoire de Saladin à Hattin (Galilée) en 1187. Saladin détruisit tout lieu de culte chrétien sauf ceux qui avaient un rapport avec des personnages ou événements mentionnés dans le Coran. L'église de Sainte-Anne était ainsi vouée à la destruction mais Saladin en fit une école coranique (une madrassa) et donc elle subsista. C'est l'un des trois édifices religieux qui reste aujourd'hui en Israël de l'époque des Croisades en Terre Sainte, avec l'église d'Abou Gosh (l'Emmaüs des Croisés) et l'église de Ramlé (aujourd'hui une mosquée). La madrassa de Sainte-Anne cessa ses activités au début de l'époque des Mamelouks (qui conquirent la Terre Sainte en 1260). Le lieu fut alors abandonné et tourna progressivement en terrain vague pour abriter les troupeaux de brebis et déchetterie pour les habitants alentour.
EPOQUE OTTOMANE
En 1517, le sultan Sélim I fit la conquête de la Terre Sainte. Son fils Soliman releva de nouveau les murailles de Jérusalem autour de 1540, et ce sont celles que l'on peut admirer encore aujourd'hui.
Au 19è siècle, l'Empire Ottoman commença à décliner. La Russie, qui agissait comme "la police de l'Europe" depuis sa victoire contre Napoléon en 1815, avait des visées sur ce vaste territoire notamment pour s'ouvrir un passage en Méditerranée à partir de sa base navale en Crimée, face à la Mer Noire (le conflit actuel entre la Russie et l'Ukraine est encore pour contrôler la Crimée). L'étincelle qui mit le feu aux poudres fut une dispute au sujet des lieux saints de Terre Sainte où l'église orthodoxe russe était depuis longtemps en conflit avec les Franciscains (catholiques). En 1852, le Sultan avait bien tenté de ramener le calme entre les courants chrétiens en décrétant le Status Quo sur différents lieux saints. Mais ceci n'empêcha pas la guerre qui commença en 1853 entre la Russie d'un côté, et l'Empire Ottoman de l'autre, celui-ci soutenu cependant par la France, l'Angleterre et la Sardaigne. Ce fut un conflit sanglant qui dura deux ans et demi. La Russie mobilisa près de 900.000 hommes, soit 50% de plus que les Ottomans et leurs alliés. A elle seule, la France mobilisa la moitié des effectifs de cette alliance, bien plus que les Ottomans, et perdit près de la moitié de ses hommes dans cette guerre, presque autant que les pertes russes. Des noms comme Sébastopol, Malakoff, zouave, etc. entrèrent alors dans le langage courant.
CESSION A LA FRANCE
La fin de la guerre de Crimée fut ratifiée par le traité de Paris de 1856. Compte tenu de cette guerre entre alliés de 1815, la Sainte-Alliance contre la France de Napoléon I était rompue. Mais le prestige de la France de Napoléon III ressortit grandi auprès des nations. En remerciement pour son soutien dans cette guerre, le sultan fit alors cession à la France du site de Sainte-Anne et Béthesda (il avait auparavant essayé de l'offrir à l'Angleterre qui refusa le "cadeau"). La restauration des lieux mena ainsi aux premières fouilles en 1871.
En 1878, la France remet le site sous la responsabilité du Cardinal Lavigerie et de son ordre des Pères Blancs fondé en 1868 pour effectuer des missions en Afrique. Le site de Sainte-Anne est un de leurs seuls deux sites situés hors d'Afrique.
En 1888, une découverte faite par Conrad Schick, archéologue de la Terre Sainte, fit sensation dans la presse: le vrai bassin de Béthesda, celui des Evangiles, était bien celui près de l'église Sainte-Anne et non celui près de l'enceinte de la ville (bassin Birket Israel).
Pendant la Grande Guerre, l'armée turque occupa les bâtiments des missionnaires comme baraquements à Jérusalem, mais le site archéologique fut préservé par la Patriarcat Grec Catholique jusqu'à la prise de Jérusalem par les Britanniques en fin 1917.
DOMAINES FRANÇAIS
Il y a quatre domaines français à Jérusalem (et ses alentours).
Le couvent du Pater Noster au Mont des Oliviers avait été acheté en 1857 par Aurélie de Bossi, princesse de la Tour d'Auvergne, pour y construire un couvent. Lors des fouilles précédant la construction, on découvrit que ce site était celui de l'église Eléona, une des quatre premières églises construites en Terre Sainte par la reine Hélène mère de l'empereur Constantin. Aurélie de Bossi céda ce site à la France et y fut enterrée.
Le site dit du Tombeau des Rois s'est avéré être la nécropole de la reine Hélène d'Adiabène et de sa famille. Elle était reine mère du Kurdistan arménien à l'époque du 1er siècle. Elle se convertit au Judaïsme et vécut à Jérusalem jusqu'à sa mort. Son sarcophage, découvert sur place, avec d'autres ossements de familles juives, a été enlevé du site par un archéologue français, Félicien de Saulcy, en 1863 et expédié au Louvre où il est encore exposé.
Cet acte, qui était ni plus ni moins que du vol d'antiquités et la désacralisation d'un lieu de sépulture royale, fit scandale à l'époque. Le banquier parisien juif Péreire essaya, sans succès, d'acheter le site pour le préserver contre le pillage, d'autant que des ossements y avaient été découverts et malmenés. Puis, en 1878, une femme juive française, Amalya Bertrand, réussit à acquérir le site dans ce même but et déclara: Je suis fermement convaincue que cette propriété, le champ et la grotte funéraire des rois, deviendront une terre de la communauté juive à perpétuité, afin de la préserver de la profanation et de l'abomination, et qu'elle ne sera plus jamais endommagée par des étrangers. Malheureusement, à sa mort en 1886, ses héritiers en firent don à la France, ne pouvant le céder à la communauté juive de Jérusalem car le régime ottoman n'autorisait pas ses Juifs à être possesseurs de terres. Toutefois, ce don allait à l'encontre de la volonté de la défunte, ce qui jette un doute sur la validité légale du don. En toute logique, dès 1917 lorsque la loi ottomane cessa en Terre Sainte, le site aurait dû être cédé aux Juifs de Jérusalem pour être traité comme lieu de sépulture et de prières. Pour ajouter au problème, le consulat de France à Jérusalem dénomme officiellement le site comme "Tombeau des Sultans"... alors que l'archéologie a prouvé depuis au moins 150 ans qu'il s'agissait d'une nécropole juive du 1er siècle, bien avant l'existence de l'Islam et des Sultans ! Ce n'est pas de l'ignorance mais carrément de la mauvaise foi. Pour éviter les controverses, le site a été fermé pendant longtemps et n'est généralement pas ouvert au public.
Les sites de Sainte-Anne et du monastère d'Abou Gosh ont été cédés à la France par le Sultan ottoman et sont sujets eux aussi à controverse. Car l'Empire Ottoman n'avait pas de "droit de propriété" sur ces lieux historico-religieux qui n'ont aucun intérêt pour les Musulmans. Les Ottomans n'ont été rien d'autre que des envahisseurs et donc des occupants de cette terre, et ceci ne leur confère pas un droit de propriété sur tout site. Par conséquent ils ne pouvaient céder quelque chose qui ne leur appartenait pas. Cette question, qui gênait peut-être la France sur le long-terme, fut soulevée dès la création de l'Etat d'Israël en 1948. Une tentative de résolution avait alors été préparée à Paris avec un diplomate israélien, Maurice Fischer, et devait mener à un accord dit Fischer-Chauvel. Mais les termes de cette résolution n'ont jamais été acceptés par Israël et donc la controverse persiste. Cette proposition de résolution a toutefois le mérite de soulever la question et montre que la France, de facto, semble reconnaître que la cession ottomane pose problème vis-à-vis du droit. En bref, l'Histoire ne s'arrête pas là et les visites fracassantes des présidents Chirac et Macron ne font que remettre ces disputes ancestrales dans le cœur de l'actualité.
Albert Benhamou
Guide touristique diplômé
Janvier 2020
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