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Albert Tours Blog-  A Licensed Tour Guide - Israel

La Franc-maçonnerie en Terre Sainte

La Franc-maçonnerie a débuté en Terre Sainte à partir de la seconde moitié du 19è siècle, sous l'Empire Ottoman. Comme vous le savez, les Francs-maçons sont organisés en loges. La première à être apparue en Terre Sainte, en 1865, est la loge Réclamation avec l'aide de la Grande Loge du Canada.

Le sceau de la Franc-maçonnerie
Le sceau de la Franc-maçonnerie

Ses premières réunions se déroulaient dans l'obscurité profonde de la grotte de Sédécias à Jérusalem. Un des participants à ces réunions a été Charles Warren l'archéologue britannique qui a laissé l'empreinte de ses travaux dans la Cité de David à Jérusalem.


La Grotte de Sédécias est une ancienne carrière datant du Second Temple qui s'étend sur une centaine de mètres sous le quartier musulman de la Vieille Ville de Jérusalem. Les pierres extraites de cette carrière ont servi aux constructions dans Jérusalem, dont le Temple de Salomon selon certains. Mais, au temps de Soliman le Magnifique, sultan du régime ottoman qui a reconstruit les murs de la ville et ses portes, elle a été fermée vers 1540 par crainte d'effondrement de la ville au-dessus. L'attrait des francs-maçons pour ce lieu vient du fait de la croyance que cette carrière avait fourni les pierres qui ont permis au roi Salomon d'édifier son Temple. Les francs-maçons vénèrent Salomon comme le "bâtisseur" du Temple, le premier de la tradition des francs-maçons en quelque sorte. La raison pour cette croyance concernant cette grotte est que, en 1873, l'archéologue Charles Clermont-Ganneau y avait découvert une niche où était gravé un chérubin. Or les chérubins sont des motifs de décoration datant de la Bible et donc du Premier Temple, du fait que deux chérubins veillaient sur l'Arche d'Alliance se trouvant dans le Saint des Saints à l'intérieur du Temple. Ainsi c'est dans cette grotte de Sédécias que les premiers francs-maçons de Terre Sainte avaient pour habitude d'y célébrer leur banquet annuel.

Dans la grotte de Sédécias

Le nom de cette grotte vient d'une légende, initiée au 12è siècle par Rashi en France, le grand commentateur de la Bible, qui affirma que le roi Sédécias avait fui son palais de Jérusalem et s'était caché dans cette grotte, avant de se rendre à Jéricho où il fut capturé par les troupes chaldéennes de Nabuchodonosor.


Cette grotte porte aussi évidemment le nom de grotte de Salomon (Suleiman en arabe) selon la croyance que le roi avait utilisé les pierres de cette carrière pour bâtir le Temple. Elle a aussi le nom, moins usité, de grotte de Korah (Karun en arabe) car selon la croyance arabe, c'est ici que Dieu avait puni Korah et ceux qui se sont révoltés avec lui contre Moïse: Dieu les avait fait "engloutir" par la terre. Ceci dit, cet événement s'était déroulé dans le désert et non à Jérusalem qui n'est même pas mentionnée dans le Coran.

Grotte de Sédécias de nos jours

Il faut aussi noter que plusieurs graffitis ont été découverts dans cette grotte dont un qui porte l'inscription "W. E. Blackstone Jan. 1889". Il s'agit de William Eugene Blackstone, un évangélique américain bien connu du 19è siècle et un des premiers Chrétiens Sionistes.


Enfin, en 1907, on était venu chercher des pierres de cette grotte pour y construire la tour d'horloge de la Porte de Jaffa. Cette tour, construite au début du 20è siècle pour les 25 ans du règne du sultan Abdul Hamed II en 1909, n'existe plus car elle a été détruite vers 1922 par Ronald Storrs, le premier gouverneur britannique de Jérusalem et de Judée, qui la trouvait affreuse juxtaposée au cadre historique des murailles de Jérusalem.

La tour d'horloge à la Porte de Jaffa

Ensuite d'autres loges se sont ouvertes en Terre Sainte au fil du temps, et ce jusqu'à la fin de l'autorité de l'Empire ottoman.


Charles Netter, le directeur juif français de l'école Mikveh Israël, créée en 1870 sous l'impulsion de l'Alliance Israélite Universelle, a lui aussi été franc-maçon et a participé à l'ouverture d'une autre loge avec des Anglo-Saxons, la Royal Solomon. Un de ses initiés juifs a été Joseph Amzalag. Né à Gibraltar où sa famille du Maghreb avait élu domicile, il émigra en Terre Sainte au début du 19è siècle et s'installa à Jérusalem. En 1871, il y acheta une grande bâtisse près de la Porte de Jaffa, qui appartenait autrefois au chef de l'église anglicane à Jérusalem dans les années 1840-1850, et la transforma en un hôtel qui reprit le nom "hôtel Méditerranée" (aujourd'hui hôtel Petra, voir ci-dessous) parce que le gérant était un certain Moïse Hornstein, juif converti, qui avait auparavant géré un autre hôtel près de la Porte de Damas, qui portait le même nom. En fait, auparavant il y avait bien un hôtel Mediterranean près de la Porte de Jaffa, donc ce changement était finalement un retour à l'endroit le plus attrayant pour loger les visiteurs. Car le premier hôtel Méditerranée se trouvait dans une ruelle à gauche en descendant la rue David (dans le souk). Celui-ci avait ouvert en 1853 et appartenait à un certain Christian Hauser jusqu'en 1866. Puis Hornstein ouvrit l'hôtel du même nom près de la Porte de Damas. Plusieurs membres du PEF (Palestine Exploration Fund) avaient élu domicile dans ces hôtels, dont les archéologues Charles Warren, Conder et d'autres. L'un d'entre eux, Charles F. Tyrwhitt-Drake, y mourut de maladie fiévreuse en 1874 à l'âge de 28 ans : c'était alors l'hôtel d'Amzalag. Mark Twain y séjourna aussi.


Entrée dans la Vieille Ville, passée la Porte de Jaffa

Hotel Méditerranée, aujourd'hui hôtel Petra

La loge Royal Solomon fut éventuellement dissoute car elle ne suivait pas les règles de la Franc-maçonnerie.


C'est alors que le Grand Orient de France s'engagea aussi en Terre Sainte avec la création d'une loge dénommée Le Port du Temple de Salomon. Elle fut créée en 1895 à Jaffa. Les premiers initiés ont été Abraham Lévy, un Juif de Jaffa, ainsi que des ingénieurs français qui travaillaient à la construction de la première ligne de chemin de fer du Moyen-Orient, la ligne Jaffa-Jérusalem qui ouvrit en 1892. En effet cette ligne a été construite par une compagnie française, la Société du Chemin de Fer Ottoman Jaffa-Jérusalem. Théodore Herzl l'a empruntée en octobre 1898 lors de sa seule visite en Terre d'Israël pour y rencontrer le kaiser Guillaume II en visite officielle. Les deux discutèrent du projet de créer des colonies juives, de langue allemande, sous la protection du kaiser. Aujourd'hui les deux stations historiques, de Jaffa et de Jérusalem, sont ouvertes aux visiteurs avec des restaurants, des boutiques et des animations.

La vieille station de Jérusalem
La vieille station de Jérusalem
La vieille station de Jaffa
La vieille station de Jaffa

La loge Le Port du Temple de Salomon a cependant cessé d'être active à partir de 1904, suite au départ des ingénieurs français qui l'avaient animée.


Puis encore à Jaffa, en 1906, l'horloger Maurice Schönberg, qui a construit la tour d'horloge et fit don des quatre horloges, relança une nouvelle loge du nom de Barkaï qui signifie L'Aurore. Ses premiers adhérents réunissaient plusieurs notables de Jaffa, la plupart musulmans et plusieurs juifs. On peut notamment y voir le nom de Yaacov (Jacques) Litvinsky, un immigrant juif d'Odessa, qui avait acheté en Terre Sainte plusieurs lopins de terre dont un à l'est de Jaffa pour y fonder une banlieue de prestige. Il l'avait nommée Tel Litvinsky et y construisit plusieurs maisons pour ses fils mais il mourut en 1916 et la Grande Guerre fit ensuite avorter ce projet. Aujourd'hui Tel Litvinsky s'appelle Tel Hashomer et abrite un des grands hôpitaux de la métropole de Tel Aviv. Il est aussi intéressant de noter que Yaacov Litvinsky a aussi été un des fondateurs de Tel Aviv en 1909 et que son nom figure sur le monument du boulevard Rothschild dédiés auxdits fondateurs.

Monument des fondateurs de Tel Aviv
Monument des fondateurs de Tel Aviv

La loge Barkaï de Jaffa connut un vif succès auprès des notables avec une centaine de membres, et ce jusqu'à la Grande Guerre. Mis à part les notables arabes majoritaires, plusieurs colons de Rishon le-Tzion s'y joignirent. Les réunions se déroulaient au No.1 de la rue David Raziel actuelle. Les débats étaient en arabe (langue commune à tous en ces temps) mais les rapports, envoyés au Grand Orient de France, étaient en français.

Numéro 1 de la rue David Raziel à Jaffa
Numéro 1 de la rue David Raziel à Jaffa

César Araktingi, un Chrétien arménien de Jaffa, dirigea la loge Barkaï pendant 23 ans jusqu'en 1929. Il était aussi le Vice-Consul britannique à Jaffa. Par ailleurs le Consul perse faisait aussi partie de cette loge ! (La Franc-maçonnerie a par ailleurs été présente en Iran jusqu'à la chute du Shah). Cependant la loge souffrit évidemment des changements causés par la chute de l'Empire ottoman : débats suspendus pendant la guerre (à cause notamment de l'exil nécessaire de plusieurs de ses membres, notamment les émigrés juifs de Russie), repris en 1919, mais suspendus à nouveau en 1921 par suite du massacre de Juifs à Gaza lors de la première révolte arabe. En 1925, les Juifs relancèrent la loge BarkaÏ alors que les Arabes la quittèrent et se rallièrent à d'autres loges d'Egypte présentes à Jaffa.


Pendant que la loge Barkaï œuvrait à Jaffa, d'autres s'ouvraient à Jérusalem, non sans difficultés toutefois, soit à cause de dissensions internes, ou à cause de l'opposition farouche du Consul de France qui était clérical et anti-dreyfusard, et supporté par le père Athanase qui dirigeait l'ordre des Assomptionnistes (et organisait les fouilles sur le site actuel de l'église Pierre-en-Galicante au Mont Sion). Cet ordre religieux a ensuite été dissous lors de la présidence de Waldeck-Rousseau (1899-1902) qui le jugeait trop antisémite alors que la France était en pleine affaire Dreyfus !

Les Assomptionnistes sur le site Pierre-en-Gallicante
Les Assomptionnistes sur le site Pierre-en-Gallicante

A la création de l'Etat d'Israël en 1948, il n'y avait pas moins de 30 loges non arabes, dont 19 qui débattaient en hébreu et le reste des loges en allemand ou en anglais. En 1953, elles se réunirent sous la création d'une Grande Loge. Quant aux loges arabes d'avant 1948, elles cessèrent leurs activités. Dans les années 1950 cependant, d'autres loges arabes locales en Israël furent créées, par exemple à St Jean d'Acre (Akko). En 1983, une loge arabe, musulmane et chrétienne, a ouvert à Nazareth. On estime aujourd'hui que le nombre de membres de la Franc-maçonnerie en Israël est de l'ordre de 2000 à 3000.


Albert Benhamou

Guide Francophone diplômé en Israël

Janvier 2020


Le sceau des Francs-maçons en Israël
Le sceau des Francs-maçons en Israël

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