Le chapitre 11 de la Genèse commence ainsi :
Toute la terre avait une même langue et des choses unifiées. (Genèse 11:1)
Une même langue, ça peut se comprendre au début de l'humanité mais de quelles "choses" s'agissait-il ? Notre récit se situe quelques dizaines d'années après la naissance du patriarche Abraham. Alors commençons par situer les événements dans le temps selon la chronologie biblique facile à établir :
an 0 (-3760) : création d'Adam
an 930 (-2830) : mort d'Adam
an 1558 (-2202) : naissance de Sem, fils de Noé
an 1656 (-2104) : le Déluge débute
an 1657 (-2103) : fin du Déluge
an 1658 (-2102) : naissance d'Arphaxad, fils de Sem
an 1948 (-1812) : naissance d'Abraham, fils de Térah, à Ur
(-1792) : début du règne d'Hammurabi
an 1996 (-1764) : tour de Babel
En ce temps-là de la tour de Babel, alors qu'Abraham avait 48 ans, un roi s'était élevé sur la Mésopotamie et avait réussi à unifier en un seul empire toutes les cités-états de cette grande vallée fertile, dont Ur la ville natale d'Abraham. C'était la première fois qu'un tel empire unifié était établi. Et pour le gérer malgré les divergences de croyances et de traditions locales, il fallait un code de lois unifié pour tous. Ce grand unificateur, la Bible le nomme Nimrod (נמרד) et le présente ainsi :
Celui qui le premier fut puissant sur la terre. (Genèse 10:8)
Son nom biblique est en fait un surnom, dérivé de la racine hébraïque m-r-d (מרד) qui signifie 'rébellion'. Car, après avoir établi son empire, Nimrod a eu des velléités de vaincre Dieu. Cette racine m-r-d a aussi donné le nom du puissant dieu créateur dans le panthéon babylonien : Mardouk (il est aussi quelquefois nommé Bel dans la Bible, ce qui donna Baal dans les langues antiques).
L'Histoire le connait sous le nom d'Hammurabi. Il aurait commencé à régner en l'an -1792 pour une durée de 42 ans, une longévité suffisante pour marquer son temps et l'Histoire. Le centre de son empire était une nouvelle ville qui sera connue comme Babylone, nommé Babel dans la Bible. Le mot Babel en hébreu (בבל) a la même racine que le mot 'confondre' (לבלבל) et la suite du récit le justifiera. Le code de lois dit Code de Hammurabi a été retrouvé sur une stèle impressionnante de plus de deux mètres de haut et faite pour durer car un bloc de basalte (pierre volcanique solide) avait été utilisé.
Mais le Code de Hammurabi n'était pas le premier de l'Histoire. Avant lui, il y a eu le Code d'Ur, une cité-État qu'il avait conquise comme le reste des régions de Mésopotamie. Selon le texte retrouvé, c'est le fondateur de cette ville, Ur-Nammu, qui avait établi le plus ancien code connu de l'humanité. Hammurabi avait sans aucun doute emprunté le concept pour établir son propre code et, lui seul, est resté célèbre car, sans aucun doute, Hammurabi avait exigé la suppression des codes locaux afin d'imposer le code unifié de son empire.
C'est à Ur, ville fondée après le Déluge, que la famille d'Abraham s'était installée. Son père, Térah, en était le grand prêtre et avait la charge de fabriquer les statues idolâtres pour le culte de la ville. Le nom Térah (תרח) vient du mot hébreu Yaréah (ירח) qui signifie Lune. Car, à Ur, on vénérait la Lune, comme on peut le constater sur le sceau de Ur-Nammu. Le fils ainé de Térah s'appelait Avram (qui deviendra plus tard le patriarche Abraham) : son nom s'écrit Av-ram (אב-רם) qui signifie "père suprême". Car Avram était bien évidemment destiné à succéder à son père dans la prêtrise de la cité d'Ur.
Mais d'où était venue l'idée d'élaborer un code de lois ? Il faut remonter à l'épisode du Déluge. Après avoir éradiqué l'humanité, Dieu donna sept lois aux survivants de la catastrophe, à savoir Noé et ses fils : elles sont connues sous le nom de Lois noahides. Au début de l'ère postdiluvienne, les hommes suivaient ces lois. Et, à Ur, on les avait établies comme code pour la cité. Car, le fondateur d'Ur était Arphaxad, fils de Sem fils de Noé : autant dire que la mémoire du Déluge était encore fraichement ancrée chez les hommes de sa génération. Il est probable que cet Arphaxad biblique soit le Ur-Nammu historique. Et, plus tard, le roi Hammurabi avait voulu émuler la puissance de Dieu et de Ses lois, en édifiant son propre code de lois : ainsi les hommes le surnommaient le puissant chasseur devant l'Eternel (Genèse 10:9).
Dans le code de Hammurabi, on trouve notamment le principe d’œil pour œil, dent pour dent (dans les lignes 196 et 200 du code), directement emprunté au code d'Ur-Nammu :
Si un homme a arraché l’œil d’un autre homme, il devra peser la moitié d’une mina d’argent (environ 500g).
Si un homme a arraché la dent d’un autre homme, il devra payer deux sicles d’argent.
Or ce principe de réciprocité trouve son origine dans les lois noachides de la Bible :
Celui qui verse le sang de l'homme, par l'homme son sang sera versé. (Genèse 9:6)
Ce type de loi était déjà universellement connu dans l'humanité, quoique pas toujours suivi évidemment, et on en a retrouvé la trace jusqu'en Canaan par une découverte dans la ville antique de Hazor, au nord d’Israël.
Voici donc expliquée l'expression biblique des choses unifiées. Venons-en à présent au même langage.
Ayant bâti sa ville qui devint le centre d'un empire, et après avoir établi ses lois, Hammurabi en vint à vouloir construire une tour qui monterait aux cieux, sans doute pour rivaliser avec Dieu :
Ils dirent : "Allons, bâtissons-nous une ville, et une tour dont le sommet atteigne le ciel ; faisons-nous un établissement durable, pour ne pas nous disperser sur toute la face de la terre." (Genèse 11:4)
Pour mettre fin à l'arrogance humaine, Dieu confondit les langages de sorte que tout effort commun devint impossible. Et, pire, les gens ne se comprenant plus les uns les autres, ils se dispersèrent sur la terre.
C'est pourquoi on nomma cette ville Babel (בָּבֶל), parce que là le Seigneur confondit (בָּלַל) le langage de tous les hommes et de là l’Éternel les dispersa sur toute la face de la terre. (Genèse 11:9)
Y a-t-il une source historique ou archéologique de cet épisode biblique ? Il y a tout d'abord la création du premier empire et l'unification de lois sous forme du Code de Hammurabi, qui correspond à ce que la Bible nomme les choses unifiées. Mais les archéologues ont aussi découvert une tablette en Mésopotamie : la tablette d'Enmarkar.
Voici un extrait de ce texte qui constate la diversité des langues causée par les dieux et qui fait le voeu de revenir à un langage unique :
En ce temps-là, puissent les pays de Šubur et de Ḫamazi, aux langues multiples, et Sumer, la grande montagne du Me de magnificence, et Akkad, le pays possédant tout ce qui convient, et le pays de Martu [les Amorrites], reposant en sécurité – l’univers entier, le peuple bien gardé – puissent-ils tous s’adresser à Enlil ensemble dans une seule langue !
Car en ce temps-là, [...] Enki, le seigneur de l’abondance et des décisions inébranlables, le seigneur sage et connaisseur du pays, l’expert des dieux, choisi pour sa sagesse, le seigneur d’Eridug, changera le langage dans leurs bouches, autant qu’il y en avait placé, et ainsi le langage de l’humanité sera vraiment un. (Enmerkar et le seigneur d'Aratta, lignes 134-155)
De plus, le père de l'Histoire, le Grec Hérodote, qui a vécu au 5ème siècle avant notre ère, a décrit ainsi les vestiges de Babylone (Babel biblique) et de sa fameuse tour qui était alors devenu un lieu de culte mais, chose étrange pour un site de culte dans l'Antiquité, aucune idole ne s'y trouvait pour être vénérée... comme si on ne voulait pas provoquer de nouveau la colère du Dieu Créateur :
Ces murs forment l'enceinte extérieure de la cité. A l'intérieur, un autre mur d'enceinte, presque aussi solide que le premier, mais plus étroit, en constitue l'enceinte. Au milieu d'une des parties de la cité se trouve le palais royal, entouré d'une haute et solide muraille. Au milieu de l'autre se trouve encore aujourd'hui l'enceinte sacrée de Zeus Bélos [le Bel biblique], un carré de quatre cent quarante mètres de côté et percé de portes de bronze. Au centre de cette enceinte sacrée a été construite une tour solide, longue et large de deux cent vingt mètres ; une deuxième tour s'élève de celle-ci, puis une autre encore, jusqu'à ce qu'il y en ait enfin huit. Le chemin qui y mène monte en spirale au-delà de la hauteur des tours ; à peu près à mi-hauteur se trouve un lieu de repos, avec des sièges pour se reposer, où ceux qui montent s'assoient et se reposent. Dans la dernière tour se trouve un grand sanctuaire ; dans celui-ci se trouvent un grand lit bien couvert et une table d'or à proximité. Mais aucune image n'a été érigée dans le sanctuaire, et aucune créature humaine n'y passe la nuit, à l'exception d'une femme indigène, choisie parmi toutes les femmes par le dieu, comme disent les Chaldéens, qui sont prêtres de ce dieu. (Hérodote, Histoires, Livre I, chapitre 181)
Notons que cette description de tour à plusieurs étages ou niveaux correspond au modèle de "ziggourat" découvert par les archéologues en Mésopotamie. En fait, la ziggourat de Babylone avait pour nom Etemenanki qui signifie Temple de la Fondation des Cieux et de la Terre... Ce nom n'est pas sans rappeler le récit biblique avec le Dieu unique, Créateur des Cieux et de la Terre (Genèse 1:1).
L'épisode de la tour de Babel s'est déroulé 1996 ans après Adam, c'est-à-dire en l'an -1764, soit 340 ans après le Déluge. Avram, le futur Abraham, avait 48 ans, car né 1948 ans après Adam. Cette chronologie est aisée à établir avec les indications données dans le livre de la Genèse.
Une seule famille a retenu le langage originel, qui était l'hébreu : c'est la descendance du patriarche Eber, petit-fils d'Arphaxad. C'est de cet Eber que vient d'ailleurs le mot 'hébreu'.
J'espère que ce second article sur le thème "la Bible dit vrai" vous aura intéressé. N'hésitez à m'envoyer vos commentaires, en attendant une prochain épisode biblique prouvé par l'archéologie.
Nous reviendrons sur ce thème de "la Bible dit vrai" dans d'autres articles dans ce blog dont :
Albert Benhamou
Guide touristique francophone en Israël
Décembre 2024
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