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Albert Tours Blog-  A Licensed Tour Guide - Israel

L'Arménie à Jérusalem

La réouverture récente du musée arménien dans la Vieille Ville de Jérusalem permet de se pencher sur l'histoire de ce peuple et de sa présence dans la ville sainte.



LE QUARTIER ARMENIEN

Les visiteurs de Jérusalem apprennent vite que la ville est divisée en quatre quartiers : juif, musulman, chrétien et arménien. La raison pour laquelle le mot quartier existe aujourd'hui dans la langue française (aussi 'quarter' en anglais, et 'cuarto' en espagnol) c'est justement parce que la ville sainte a été divisée en quatre. Mais la question se pose : les Arméniens ne sont-ils pas Chrétiens ? Dès lors pourquoi cette petite nation a-t-elle bénéficié d'un quartier dédié, alors que le quartier chrétien est partagé entre Catholiques et Orthodoxes, dont la présence en Terre Sainte est beaucoup plus importante ? Ceci tient au fait que la nation arménienne a adopté le christianisme comme religion d'état depuis le tout début du 4ème siècle, avant même que l'empereur Constantin n'autorise cette religion dans l'empire romain (par l'Edit de Milan en 313). Mais le christianisme ne deviendra en fait religion d'état dans l'empire romain que sous Théodose en l'an 380. En vertu d'avoir été la première nation au monde à avoir adopté le christianisme, l'église arménienne a toujours eu l'honneur d'une présence à Jérusalem, et donc elle a son quartier aujourd'hui. C'est toutefois, en superficie, le plus petit des quatre quartiers.



L'EGLISE ARMENIENNE

Avec l'autorisation du christianisme dans l'empire romain sous Constantin, il a fallu organiser la nouvelle religion. Le premier concile œcuménique se tint à Nicée en 325. Il sera suivi de bien d'autres dont, quelquefois, les décisions ne furent pas toujours adoptées par des églises minoritaires. Notamment, l'église arménienne entra en conflit avec le courant chrétien principal au Concile de Chalcédoine en 451 car il fut adopté que Jésus était à la fois divin et humain. Notons en passant que, avant cette décision, il était interdit de représenter Jésus sous forme humaine car Dieu ne pouvait être humain : Jésus était alors représenté que sous formes allégoriques (pêcheur ou poisson, berger, paon, etc.) Mais, à partir de 451, Jésus a pris un visage humain (sa plus ancienne représentation au monde est celle qui se trouve au monastère Sainte-Catherine au mont Sinaï) et, aussi, on commença à le représenter sur la croix.


Concile de Chalcédoine en 451

L'église arménienne n'avait pas été la seule à refuser cette décision puisque les églises coptes, éthiopiennes et syriaques en firent de même. Ces quatre églises forment ce que l'on appelle aujourd'hui les Chrétiens d'Orient. En se désengageant à la fois de Rome et de Byzance, l'église arménienne établit alors son propre patriarche sous le titre de Catholicos, équivalent au Pape pour l'église de Rome.



LES ARMENIENS EN TERRE SAINTE

Les conquêtes de Jérusalem par les Perses en 614 puis par les Musulmans en 638 n'ont pas réellement affecté la communauté arménienne, considérée par ces conquérants comme différente de celles de l'ennemi juré, à savoir l'empire byzantin (qui était l'empire romain d'Orient, christianisé). En 885, le califat autorisa même les Arméniens à redresser leur royaume comme vassal de Bagdad. Mais, le fragile royaume d'Arménie fut annexé par les Byzantins en 1021. A Jérusalem, les choses se gâtèrent aussi à cette époque avec la conquête de la ville par les Fatimides en 970 dont le calife Al-Hakim ordonna la destruction des églises chrétiennes en 1009. Fort heureusement on se débarrassa de lui en 1021 et les Byzantins furent autorisé à reconstruire leurs églises en 1059 dont celle du Saint-Sépulcre. Entretemps, en 1053, eut lieu de Grand Schisme qui mena à un anathème réciproque entre Catholiques et Orthodoxes (cet anathème ne sera annulé que lors du pèlerinage du pape Paul VI en Terre Sainte en 1964). Cette scission entre les courants chrétiens causa de nombreux conflits d'intérêt en Terre Sainte pour avoir la prédominance sur les lieux saints.


Puis les Seldjoukides musulmans firent la conquête de l'Asie Mineure chrétienne en 1071, puis de la Terre Sainte et de Jérusalem en 1073. L'empereur byzantin vit son empire menacé et fit appel au Pape pour notamment défendre Jérusalem. L'évêque de la ville était orthodoxe depuis le schisme et les Catholiques n'avaient guère de contrôle sur les lieux saints. Cet appel à l'aide donna ainsi l'occasion rêvée au Pape de reprendre Jérusalem en main, et il déclencha la Première Croisade. Les barons qui la menèrent arrivèrent à Constantinople en 1097 et reprirent l'Asie Mineure aux Seldjoukides. Plus au sud, Jérusalem repassa aux mains des Fatimides en 1098, à quelques mois de l'arrivée des Croisés. Ceux-ci avaient été retenus devant Antioche à cause d'un siège qui dura plusieurs mois. Ce n'est qu'avec l'aide d'un certain Firuz, Arménien converti à l'Islam, que les Croisés purent enfin pénétrer dans la ville assiégée en juin 1098.


Une des reines les plus importantes de cette période des Croisades a été la reine Mélisande, d'origine arménienne, épouse du roi Foulques, mort trop tôt à St Jean d'Acre : elle se retrouva ainsi en régence pendant une dizaine d'années jusqu'à la maturité de son fils, Baudouin III. Elle s'engagea dans un vaste programme de constructions d'églises et de monastères dont, probablement, le complexe et l'église St Jacques dans la ville de Jérusalem. Lors de la prise de Jérusalem par Saladin en 1187, Abraham le patriarche arménien (mort en 1192 et enterré dans la cour de St Jacques) put négocier une protection et des droits arméniens sur les lieux saints chrétiens.


Plan de Jérusalem par Grunenberg (1486), avec la cathédrale Saint-Jacques en haut dont le dôme est tronqué (décapitation)


Lorsque les Mongols conquirent l'Asie entière et pénétrèrent en Terre Sainte, ils furent stoppés en 1260 par les Mamelouks d'Egypte à la bataille de la Source de Goliath (source de Harod dans la vallée de Jezréel en Israël) et furent repoussés au nord. Là les Arméniens formèrent une alliance avec les Mongols et stoppèrent ainsi les désirs d'expansion des Mamelouks à la bataille de Homs en Syrie (1299). Les Mamelouks s'en souviendront et commencèrent à menacer à leur tour l'Arménie. La crainte de la perte de souveraineté arménienne poussa alors certains Arméniens influents à proposer une entente avec le Pape afin de faire revenir l'église arménienne sous la protection de Rome. Le Pape Grégoire IV n'hésita pas à confirmer les possessions arméniennes à Jérusalem, dont le complexe de Saint Jacques. Mais le concile de Sis en 1307 ne parvint pas à réconcilier les Arméniens avec Rome. La petite nation arménienne se retrouva alors de plus en plus isolée, tant religieusement que politiquement car les Alliés mongols se rapprochèrent de plus en plus d'une alliance avec les Mamelouks, et le chef mongol de Perse se convertit lui-même à l'Islam ! Aussi ces derniers finissent par conquérir le royaume arménien en 1375. La dernière reine d'Arménie, Marie de Korikos, fut emmenée en captivité au Caire puis autorisée à finir ses jours à Jérusalem où elle meurt en 1377. Lors de la domination mamelouke, les croisades prirent fin car ces nouveaux maitres autorisèrent les pèlerins chrétiens à venir en Terre Sainte sous leur protection. Plusieurs voyageurs de cette époque racontèrent leur périple et parlèrent de leur rencontre avec la communauté arménienne de Jérusalem.


Puis, en 1516, le Sultan Sélim mit fin à la domination mamelouke dans la région et établit le pouvoir ottoman pour les 400 ans qui suivirent. Les sultans ottomans ont eux aussi confirmé les droits arméniens sur les sites de Terre Sainte. Chaque année, à l'occasion de la Pâques, 10.000 pèlerins arméniens se rendaient à Jérusalem et séjournaient dans le complexe de Saint-Jacques. En 1799, Bonaparte arriva en Terre Sainte. Les Catholiques, furent suspectés de connivence potentielle avec ce conquérant et, à Jérusalem notamment, la foule musulmane s'en prit à eux qui trouvèrent refuge dans le complexe arménien pendant 170 jours. A Jaffa, le monastère Saint-Nicolas fut réquisitionné par Bonaparte pour ses malades. De retour en France, il fera parvenir au patriarche de Jérusalem une tenue d'apparat en remerciement des services de ce monastère envers les malades français.

La domination ottomane en Terre Sainte et sur Jérusalem dura jusqu'à la chute de l'empire ottoman en 1917 lors de la Première Guerre Mondiale. Préalablement, la communauté arménienne de Jérusalem put craindre le pire de la part des Ottomans vu que son peuple fut la victime d'un génocide des mains des Turcs. Ce n'est dès lors pas étonnant que les promeneurs du quartier arménien de Jérusalem le voient entouré de murailles épaisses donnant peu d'accès aux allées, et avec de grands portails pour seuls passages : il donne l'impression d'un quartier fortifié !



Ruelle du quartier arménien dans la vieille ville de Jérusalem



LA CATHEDRALE SAINT-JACQUES

Elle est le point central de l'église arménienne de Jérusalem, et dédiée à Jacques le Juste (aussi appelé Jacques le Mineur), frère de Jésus, fondateur de la première église de Jérusalem. Il a été lapidé vers l'an 62-69. Selon la tradition arménienne, sa tête a été conservée sous l'autel de la cathédrale.


Entrée de la cathédrale Saint-Jacques


Mais la cathédrale abrite aussi le lieu d'exécution d'un autre Jacques, apôtre de Jésus et frère de Jean l'évangéliste. Il a été décapité sur ordre du roi Hérode Agrippa en l'an 44 (Actes 12 :1-2). Le lieu vénéré se trouve dans une niche sur le côté gauche en entrant dans la cathédrale : un autel y a été dressé au-dessus de l'endroit où il a été décapité et où sa tête a été enterrée. Une dalle de marbre rouge recouvre l'endroit, éclairée par six lampes votives. Notons que le corps étêté de l'apôtre se trouverait à Saint-Jacques de Compostelle, depuis une tradition médiévale. Selon certains historiens, ce fut l'exécution de l'apôtre Jacques qui causa que les autres apôtres quittèrent Jérusalem pour répandre la "bonne nouvelle" (= évangile, en Latin et en Grec) dans le monde.


Autel de l'apôtre Jacques, frère de Jean l'évangéliste



LES KHACHKARS

Ce mot signifie "croix de pierre" en arménien. Ces croix taillées dans la pierre sont érigées pour marquer la tombe ou la mémoire d'un grand personnage ou pour commémorer un événement particulier. Elles ont été utilisées jusqu'à la fin de l'ère mamelouke. On peut en voir plusieurs dans la cour de la cathédrale Saint-Jacques de Jérusalem.



Khachkar, dans la cour de la cathédrale Saint Jacques




LA GRANDE MOSAIQUE

Juste au nord de la Porte de Damas, il y avait eu un vaste monastère arménien. Lors de constructions vers la fin du 19ème siècle, une grande mosaïque a été découverte. Celle-ci a été conservée depuis et récemment transposée dans la cour du musée arménien. La mosaïque possède 40 médaillons, la plupart avec des représentations d'oiseaux dont deux paons (cet animal est le symbole antique de l'éternité et avait été utilisé pour Jésus, car Dieu est éternel). Une inscription en haut de la mosaïque dit: à la mémoire et au salut de tous les Arméniens dont le Seigneur connait le nom.


Grande mosaïque dans le musée arménien


LE NOUVEAU MUSEE ARMENIEN

Il est situé dans le quartier arménien et l'entrée se trouve à quelques 100 mètres après avoir passé l'entrée de la cathédrale Saint-Jacques sur la gauche en se dirigeant vers la Porte de Sion. L'entrée est payante (25 NIS par adulte, payable en liquide seulement). Il est ouvert tous les jours de 9:00 à 16:00 mais fermé le dimanche et le lundi. En entrant dans la grande cour, on peut admirer la grande mosaïque mentionnée ci-dessus. Au rez-de-chaussée se trouvent les salles qui retracent l'histoire de l'Arménie depuis son adoption du Christianisme jusqu'au 19ème siècle. Le premier étage est dédié au génocide arménien, avec historique, personnages-clé, photos et vidéo.



AUTRES SITES DU QUARTIER ARMENIEN

Le reste du complexe de Saint-Jacques n'est malheureusement pas ouvert au public. On peut toutefois y arranger une visite avec un membre du personnel. Le site le plus important à y découvrir est la chapelle des Saints Archanges.


Chapelle des Saints Archanges

Mis à part le quartier arménien, vous pouvez voir des sites de l'église arménienne dans le Saint-Sépulcre et dans tous les sites du Status Quo (Nativité, Tombeau de la Vierge, etc) en Israël.


En vous souhaitant une bonne visite de ce musée pour mieux connaitre l'histoire de ce peuple peu connu qui a cependant une diaspora importante à travers le monde. Si vous souhaitez y être guidé, n'hésitez à me contacter.


Albert Benhamou

Guide francophone en Israël

Décembre 2022



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